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Astérix et Cie … Entretiens avec Uderzo

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Ce livre se compose de trois entretiens inédits, faits en février 1999 avec Numa Sadoul, qui a eu aussi la bonne idée d’y adjoindre un entretien fait par lui-même et Jacques Glénat en 1973, à l’époque des premiers Cahiers de la bande dessinée, quand ceux-ci étaient monographiques.
Curieusement, ce dernier entretien est à la fois le synopsis et le résumé des entretiens de 99 (en faisant, bien évidemment, abstraction de la mort de Goscinny, du procès Dargaud, etc.)
Ces nouveaux entretiens précisent de nombreux faits. Uderzo est loquace, mais ne cherche pas à imposer sa vision du monde et ses réflexions. Il répond précisément aux questions [1] , sans être avare en anecdotes. Il sait être émouvant dans l’évocation de ses souvenirs de jeunesse, et dépeindre des périodes de la bande dessinée qui, au-delà des années 70, deviennent peu connues du lectorat actuel. Les méthodes de travail, les statuts des dessinateurs, etc. toutes ses dimensions sont-elles aussi évoquées précisément au fil de la discussion.

Les propos du dessinateur souffrent d’être peu étayés par une iconographie digne de ce nom. C’est là la plus grande déception de ce livre. Quelques textes de proches ou d’amis viennent s’insérer comme témoignages, mais ils n’apportent pas grand chose. Ajoutons que la maquette du livre est peu agréable et apparaît plutôt vite faite, et vous aurez là les deux principaux défauts de cet ouvrage.
La qualité des entretiens sauve grandement ce livre. Sadoul connaît bien l’auteur et son oeuvre. Sa position officielle de maïeuticien des dessinateurs célèbres de la bandes dessinées pourra énerver certaines personnes. Mais dans l’ensemble il ne joue pas la comédie de la fonction qu’il s’est forgé. Il sait débroussailler les polémiques et faire ressortir les qualités de son interlocuteur. Il sait montrer, par exemple, qu’Uderzo est indéniablement un des grands dessinateurs du neuvième monde.[2]

Ce livre fait aussi mieux comprendre l’échec artistique des derniers Astérix (échec qui ne commence pas qu’avec la mort de Goscinny …). Uderzo fait face à un héritage, un monde devenu autonome et intouchable (une charte graphique le protège). Il ne peut donc que l’enrichir (en créant de nouveaux personnages par exemple) tout en le sclérosant davantage.
Une expression revient souvent dans les propos d’Uderzo : « ne pas choquer le public ». C’est presque un leitmotiv et cela semble doublement paralyser sa créativité. Uderzo pourrait presque dire « Astérix c’est les autres ».
Tout comme Hergé, Uderzo s’est forgé et enfermé dans une cage dorée. Celle d’Uderzo suscite d’ailleurs tout autant la polémique, mais dans un registre moins politique qu’économique.
On pourra lire aussi des pages très intéressantes où Uderzo décrit assez longuement sa méthode de travail. Il est toujours plaisant de voir se confier un dessinateur sur ce genre de thème.

Ces types de livre sont pour l’histoire de la bande dessinée ce que sont les livres de peintres sur leur métier, théories, mémoire, etc. Sadoul a le grand mérite de faire parler tous ses dessinateurs muets, qui sous estiment souvent leur talent, simplement parce qu’ils sont dans l’art de la bande dessinée.

Notes

  1. Sur le procès et les procédés Dargaud, la polémique des dessinateurs comme Greg, Druillet, son intérêt pour les voitures de sport, etc.
  2. Uderzo doit tout au style disneyen, en particulier celui distillé par le grand dessinateur Floyd Gottfredson.
Site officiel de Hachette
Chroniqué par en mai 2001