Aujourd’hui

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Les lecteurices de Biscoto ou de Topo (ou plus largement de littérature jeunesse) connaissent les personnages de Loïc Froissart, grands corps aux petites têtes parfois perdus dans des décors plus importants qu’eux. Son dessin limpide joue sur ces contrastes, appuyé d’une palette de couleur sobre et nette. Avec cette capacité de synthèse, il n’est pas étonnant qu’on le retrouve beaucoup dans la presse, en tant qu’illustrateur.

Aujourd’hui incarne ce même principe synthétique : un livre de 72 planches uniques pour présenter toute la journée d’une école primaire, toutes classes confondues, alternant d’un lieu à l’autre, par bribes. Nous ne suivons pas un personnage précis, même si nous retrouvons ici un élève, là un concierge, mais bien la vie d’un lieu. Les 72 pages ne sont pas toutes des gags, et si certains visent dans le bon mot ou le comique de situation, d’autres sont de simples séquences contemplatives – comme un arrosage de plante à la bibliothèque – voire des illustrations.

Naviguant d’une représentation à l’autre, l’auteur nous présente une école crédible, qui n’apparaît pourtant pas comme une « BD reportage », même si l’on apprend chez l’éditeur que c’est après un an de travail en école primaire que Froissart a fait ce livre. On ne l’y verra pas en petit journaliste, nous élaborant un propos général et documenté sur l’école, on ne l’y verra pas du tout d’ailleurs. Curieusement, cette succession de scènes détaillant diverses heures et moments de la journée, captant des saynètes, ne se veut pas non plus comme un recueil d’anecdotes, autre habitude d’une bande dessinée descriptive. Dépourvu d’une volonté affichée de témoignage, l’ensemble évite la lourdeur didactique de certains ouvrages du genre.

Une des choses les plus finement représentées et qui concourt au réalisme de l’ensemble, est cette rupture constante entre le calme total de nombreux lieux de vie (couloirs, cours de récréation, cantine…) en dehors de certains créneaux, et inversement avec les salles de classe lors des moments de pause. Cette dualité de la vie de l’école résonne ainsi bien particulièrement , avec une grande économie de moyens et de mots, mots bien présents quand il s’agit de décrire le flux voire le chaos.

Aujourd’hui reste un livre curieux, difficilement classable dans sa cible, les divers regards et éclairaages pouvant parfois parler aux enfants mais se destinant d’autres fois plutôt aux adultes. Cette spécificité explique sans doute une relative discrétion du titre dans la presse critique, malgré quelques chroniques et des expositions. Sa nomination au festival d’Angoulême dans la sélection « Jeunesse » permet de le remettre un peu en avant, dans une sélection qui, si la création pour la jeunesse est réjouissante et riche, participe toutefois à ce brouillage de la cible.

Chroniqué par en octobre 2023