Gags

de

Grâce à l’exigence de Frédéric Pajak, la collection «Les Cahiers dessinés» des éditions Buchet-Chastel a su, depuis un peu moins de dix ans, se créer une identité forte et devenir un incontournable pour tous les amateurs de dessin. Mêlant sans complexe dessinateurs «purs», auteurs de bandes dessinées et artistes reconnus expérimentant dans ce nouveau champ,[1] les beaux livres crème ont permis de redonner au dessin la noblesse qui lui sied, sans sombrer dans le pédantisme ou la légitimation à outrance.

Voir Mix & Remix arriver dans la collection m’a toutefois surpris. Bien sûr, il compte au nombre des meilleurs dessinateurs actuels, mais son dessin ne se place pas dans la même catégorie que la plupart de ses voisins de collection. S’il est très vif, il vise avant tout l’expression et choisit d’appuyer le gag. Il ne s’agit pas d’un dessin que l’on qualifierait de gracieux ou d’élégant mais d’efficace et juste. Grossier préjugé. Et si l’on ne regarde pas ce livre dans l’espoir de prendre une leçon de dessin, il s’inscrit parfaitement dans la collection. D’ailleurs, il semble bien que ses concepteurs y aient pensé : le titre est on ne peut plus clair et semble prévenir le lecteur. Mais loin de dévaloriser, l’ouvrage le titre assume la dimension humoristique, voire la revendique.

Il s’agit donc de gags, majoritairement des strips de quatre cases, même si l’on y trouve aussi quelques dessins pleine page. L’humour est incisif et se frotte à tout sans restriction : la politique bien sûr,[2] le couple, la télé, le quotidien, etc. Tout ce qui peut donner lieu à un rapport de force, tout ce qui peut permettre de souligner une contradiction passe sous son crayon. Mix & Remix a une véritable irrévérence mais ne sombre presque jamais dans la facilité, et quand il ne touche pas à un sujet piquant, il est tout simplement drôle.

Chez lui, le rire est naturel, et doit arriver toujours très vite, si bien que le format canonique du strip en quatre cases peut se révéler trop long. Parfois, on sent que le format devient contrainte, alors que deux ou trois images auraient été suffisantes. Mais heureusement, quand le sens peut jouer l’immédiateté, l’auteur se laisse le loisir du gag en une image, qui correspond mieux au tempérament de l’auteur.

Dans ce très beau livre où le bon goût est de mise, la surenchère est interdite, ce qui lui permet de parfaitement s’inscrire aux côtés des dessinateurs plus «magistraux» de la collection. Frédéric Pajak traite cet ouvrage de la manière la plus logique qui soit, sans chercher à justifier sa présence, comme une évidence : Mix & Remix est un grand nom du dessin, et tout amateur du genre doit connaître son travail.

Notes

  1. Comme Giaccometi, Cartier-Bresson ou Apollinaire, pour ne citer qu’eux.
  2. Ce n’est pas pour rien que le livre est préfacé par Siné.
Site officiel de Les Cahiers Dessinés
Chroniqué par en novembre 2011