du9 in english

[Kigeki] Eki-mae Gyakusatsu

de

Alors que Kago Shintarô a une actualité japonaise plutôt bien remplie en ce début d’année avec la parution de deux nouveaux recueils coup sur coup, on a eu l’occasion de le découvrir en anglais au sein de l’anthologie Secret Comics Japan, publiée chez Viz l’an dernier. Il était d’ailleurs difficile de passer à côté de son étrange récit, Punctures, une fable dérangeante racontée d’un trait presque trop précis.

Le recueil dont est tiré Punctures est en fait le quatrième volume signé par Kago Shintarô, intitulé (Kigeki) Eki-mae Gyakusatsu (en français, «Massacre devant la gare [Comédie]»). Et, tenez-vous le pour dit, Punctures en est de loin l’histoire la plus «raisonnable».
Il y a là douze chapitres, douze récits saturés de violence, douze occasions d’explorer l’univers malsain de l’auteur. Et l’on ne peut pas dire que le voyage soit particulièrement agréable. Les motifs récurrents d’agressions gratuites, de mutilations répétées et de dégradations de la femme deviennent parfois insoutenables, à tel point que l’on peut se retrouver tenté d’en abandonner la lecture.

Mais en persévérant, on arrive à prendre de la distance avec le choc des images, et l’on réalise alors qu’il n’y a pas grand’chose d’humain dans les personnages de Kago Shintarô. Aucune compassion, aucun désir, ce sont seulement des machines à forme humaine — impression renforcée par les traitements que subissent les corps, aux parties interchangeables comme des pièces de rechanges, notamment dans Punctures ou dans le récit intitulé Zenmai (Ressorts).
Kago Shintarô devient alors le marionnettiste malsain oeuvrant dans l’ombre de ce jeu de massacre, dont les règles sont toujours aussi absurdes que cruelles, sans pour autant se trouver très éloignées de celles de la société réelle. On n’est finalement pas si loin du Procès de Kafka — avec le même aveuglement d’un système en marche, l’obsession pour la violence et le sexe en plus.

Chroniqué par en avril 2001