La poutre de mon œil

de

« Tu détruis tout ce que tu aimes.
– Oui ben t’as l’air encore en parfait état. À ta place, je me poserais des questions. »

Pas pu achever Sisyphe, les joies du couple. Ce livre d’Aurélie William-Levaux publié par Atrabile au printemps dernier ne se présente ni comme un témoignage ni comme une fiction, livré tel quel, sans quatrième de couverture pour mal-comprenant, un texte illustré auscultant la relation de deux amants belligérants. L’auteure révèle là son talent d’écriture au long cours. Pas pu achever son texte, justement : cathartique, frontal, impudique, suffocant.

Ceci n’est pas un positionnement critique mais une réception personnelle. Affaire de température, de choc thermique. Aurélie William-Levaux n’aime pas le tiède. Ça tombe bien parce que le travail autobiographique supporte assez mal l’économie de soi et la tempérance. Le rapport à l’autre (homme, essentiellement) et les questions existentielles forment le matériau unique de sa création, sa façon de viser l’absolu. Avec Sisyphe, elle dissèque jusqu’à l’os son avatar de papier. Te voilà comme Malcom McDowell dans Orange mécanique, les yeux bien écarquillés, sauf que tu as toi la possibilité de refermer le livre si tu le souhaites, dont acte.

Après viendra cette Poutre de mon œil. Plutôt une brique : recueil épais de dessins d’actualité intime apparaissant comme une annexe de Sisyphe tant certaines pages se répondent. Mais l’auto-dérision prend le pas sur l’auto-fiction et tu recevras bien volontiers cette poutre à travers la gueule, par goût de la phrase assassine, la science des larmes qui rigolent façon politesse du désespoir. « Quand je vais mal j’écris. J’écris quatre fois par jour tous les jours depuis quinze ans. Mais sinon, franchement, ça gaze ».

[Texte initialement publié sur le site de l’excellente librairie Contrebandes, à Toulon]

Chroniqué par en novembre 2016