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Le Petit Homme et Dieu

de

Un petit homme vivant dans la forêt fait sa promenade matinale habituelle quand il rencontre «une chose» étrange à l’aura lumineuse et chaleureuse. Entre ce grand gentil immaculé et le promeneur non chaperonné des sous-bois, le dialogue s’instaure et se poursuivra jusqu’au déclin du jour, au fil d’heures de découvertes mutuelles restant mémorables à chacun. Une belle journée de transmission, où bienveillance et curiosité se complètent et s’encouragent pour donner au plus jeune dans la vie, ce halo d’homme grandi et maître de son univers qui lui manquait.

Le père, le fils et à l’esprit l’étrangeté de cette relation. C’est ce qui baigne ce livre qui, derrière un titre astucieux, s’amuse d’un lien ayant acquis une dimension religieuse et prométhéenne en occident. La nuance est que ce dieu ne vient pas en tant que créateur mais créature. Il a l’aura, il sème à tout vent[1] et l’apprend à une créature n’osant s’imaginer créatrice en son univers. Il ne transmet pas le feu de l’aura, le feu qui auréole et le couronne, mais il le fait germer des braises d’une âme humaine combustible à ce désir. Son souffle fait de mots qui interrogent[2] attise un feu[3] qui couvait.

L’intelligence de Kitty Crowther n’est pas de faire de cette aura un pouvoir, une puissance mais bien une participation, un accomplissement vers une force de vie. Animaux, plantes partagent discrètement cette couleur en arrière-plan, comme balisant un chemin se terminant vers le foyer (sa maison) du petit homme ultimement illuminé.
Une métamorphose qui n’est pas d’apparence mais qui détoure,[4] révèle un univers intérieur lumineux auquel renvoie l’origine parallèle, «multivers», de ce dieu-créature.

L’immense talent clairvoyant de l’auteure fait que le livre ne se clôture pas sur l’équivalent d’un «Ayé, tu es un homme, fils» mais par un dieu de retour en son foyer qui, constatant son incapacité à grimper aux arbres, semble envier cette part de rêve qu’incarne cette faculté du petit homme à s’élever encore et autrement. Un dieu sans âge certes, mais se constatant aussi d’une autre génération.[5]

Notes

  1. L’aura est étymologiquement le «souffle», le souffle vital que montre littéralement Kitty Crowther en faisant souffler le dieu sur une boule de pissenlit pour en faire s’envoler les graines. Un moyen aussi, de montrer au petit d’homme que le temps du «pisse en lit» est terminé.
  2. Des mots maïeuticiens. Le dieu fait renaître le petit homme. Aujourd’hui, le mot «maïeuticien» désigne aussi un homme pratiquant le métier de sage-femme.
  3. Un autre souffle, une phlogistique.
  4. Je pense aux pages de garde du livre et à la scène où dieu se transforme plusieurs fois, pour montrer l’impasse de la métamorphose la plus opaque (le singe monstrueux) et celle devenant la plus évidente (celle mimant le père du petit homme).
  5. Ami lecteur, lectrice mon amour, tu peux aussi, pour en savoir plus, écouter le passionnant entretien en trois parties de Béatrice Leca avec l’auteure, intitulé : «Sur l’étoile Kitty Crowther».
Chroniqué par en janvier 2011