Ratatouille

de

Lécroart est ce qu’il est convenu d’appeler un auteur rare. A part quelques recueils, une présence épisodique dans Psykopat, et sa participation à l’OuBaPo, il ne produit guère. En revanche, c’est chaque fois étonnant (voir La Vie exemplaire de Saint Sinus, chez Cornélius, ou … Et c’est comme ça que je me suis enrhumée, au Seuil).

Voilà donc un nouvel opus lécroartien, aussi surprenant que les autres. L’auteur a choisi de raconter la même histoire depuis les points de vue successifs de tous ses protagonistes. On découvre donc progressivement toutes les ramifications de l’intrigue, étroitement limité qu’on est par la vision de chaque personnage : vision au sens narratif (on ne comprend que ce qu’il comprend), mais aussi au sens graphique (on ne voit que ce qu’il perçoit). On découvre donc l’histoire à travers une série de filtres dont on n’a plus qu’à faire la totalisation.
Le dynamisme du tout est assuré par un artifice de construction : à chaque version, on va un peu plus loin (de quelques secondes) dans l’aboutissement de l’histoire. L’intrigue ne se conclut donc véritablement qu’à la dernière case, Lécroart évitant ainsi de déflorer son sujet dès l’exposé du premier point de vue.

Evidemment, je ne vais pas m’amuser à raconter quoi que ce soit. Sachez simplement que vous croiserez un extra-terrestre, un clochard, un chien idiot, une candidate FN, un chewing-gum, plusieurs apéros, un apprenti-serveur et un dealer de came. Le tout compose, en effet, un sacrée ratatouille, qui s’inscrit directement dans le fil OuBaPien du travail de Lécroart. Seul défaut, peut-être, de ce livre étonnant et captivant : un dessin un peu trop monotone, qui empêche de repérer immédiatement le faciès des personnages. Du coup, la Ratatouille attache un peu au fond.

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Chroniqué par en janvier 2001