Rats et Chiens

de

Conrad Botes est sud-africain et dessine ici en noir et blanc. Pour être précis : sur du blanc avec du noir. Et pour qui s’y intéresse, ce rapport pose des questions : Est-ce le blanc qui révèle le noir ? Est-ce le noir qui cerne le blanc ? Et le lavis dans tout ça ?

Conrad Botes est un blanc sud-africain, il n’est pas une page blanche. Il est le descendant culturellement ou par les gènes, de ces européens voyant le Sud comme un nouveau western.[1] Les peaux noires y remplaçaient les peaux rouges pour ceux ce croyant toujours plus blanc.
Je dis «croyant» car toutes ces couleurs de peaux ne vont, réellement, que du brun très foncé au rose soutenu. La mélanine est certes un colorant universel, mais pas au point de reproduire toutes ces couleurs affirmées par les langages de certains hommes.[2] Oui, de «certains», de ces petits tribuns sanguins s’affirmant bien blancs pour cacher ce rose qu’ils trouvent peu viril, ou d’autres s’affirmant bien noirs jusque dans leur âmes et comportement aux noms de passés sombres. Manichéens, sans nuances, tout cela ne fait pas la vie mais l’assujetti à des discours, aux mythes qu’ils créent (ou réinterprètent) et au rapport de force qu’ils provoquent.

Botes le sait depuis longtemps, s’éloignant de ces langages rendant acéphales pour montrer qu’ils ne sont pas couleurs mais valeurs, dont la fausseté est à délinéer de ce trait contrastant qui fait image, montre et fait enfin parler. Alors il dessine sur du papier blanc, de cette valeur neutre, de cette clarté qui fait que l’on ne parle pas de vision positive quand on y appose l’encre noire.[3] Et il raconte ce qu’il connaît, ce qu’il a vu à travers ces valeurs devenues des mythes, demandant à être crues comme des religions ne reliant plus, ou pour le moins que les peurs.
Composé de cinq histoires, l’album est extrêmement cohérent, comme partant de points de vue sur ce qui s’apprend dans l’enfance (Grimm, mythes bibliques, …)[4] à la remise en question adolescente («Rat et Dieu») et à ce qu’il faudra dire aux enfants une fois adultes («Histoire pour les enfants»). En quelque sorte, un livre qui fonctionne à la fois comme une prise de conscience et une conscience à prendre.

Conrad Botes n’est donc pas sud-africain au noir. Il l’est au grand jour et emmerde ceux qui aimeraient le réduire à une identité caricaturale. Ceux-là ne seraient que ces Rats et chiens désignant ces animalités du comportement humains qui font les sociétés envahissantes d’individus domestiqués en se jouant de leur fidélité. Les fausses valeurs sont dans les mots de certains, pas dans ces images ou le contraste et proportionnel à la lucidité de leur auteur.

Notes

  1. Et comme ils sont alors dans l’autre hémisphère, un peu tous retournés, ils peuvent prétendre leur nouveau pôle faire Nord et pousser la «frontier» vers ce nouveau Sud.
  2. Le rouge serait signe d’apoplexie, ou de l’abus de spiritueux. Quand au jaune c’est lié au foie. Dans les deux cas, cet organe externe qu’est la peau n’est pas responsable de ces couleurs.
  3. Dessiner à l’encre blanche sur du papier noir peut être interprété comme un négatif, à la manière de celui de la photographie analogique. Le papier noir suggère aussi l’idée de nuit.
  4. «Points de vue» comme vus d’Afrique du Sud, comme de et sur une pensée afrikaners en enfance, etc.
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Chroniqué par en février 2009