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Réaumur-Sébastopol et autres opuscules

de

Nota : quand j’ai chroniqué l’an dernier les deux premiers volumes de Formol, de Simon Hureau, j’ai fait le malin en citant quelques-uns des tous premiers travaux de l’auteur (alias Simon H., alias Pr. Hurax). Comme ce dernier me l’a confirmé depuis,[1] ce sont des collectors absolus, tirés à quelques dizaines d’exemplaires, jamais réédités. Je colle donc ci-dessous trois chroniques que j’en avais faites à l’époque (2001), prétexte pour en montrer quelques extraits (et faire crever de jalousie les fans, évidemment).

Réaumur-Sébastopol, Autoédité (30 ex.), juin 1999.
Trente-neuf à l’ombre, déc. 1999, rééd. Institut Pacôme, couv. sérigraphiée,
déc. 2000.
Le petit livre de la jungle, ed. Institut Pacôme, janvier 2001, 100 ex., couv. sérigraphiée.

Réaumur-Sébastopol est un OVNI. Entre le mini-récit et le carnet de croquis, Simon H. y détaille un trajet en métro, ses rencontres, ses discussions esquissées, ses affiches entrevues. Ce parcours est libre, sans case ni cadre, sans même de véritable pages (Réaumur-Sébastopol est une immense feuille pliée et collée à ses extrémités, qui se déploie en accordéon). Plein de traits de constructions, d’esquisses, de gribouillis et de ratures, le récit est comme prélevé sur une vie plus vaste (parfois, on devine en bord de page la liste de course ou les traces de gomme des autres croquis, effacés). On y entre par où l’on veut, vaguement rebuté par le lettrage manuel très cursif, et par l’absence de sens de lecture. Et puis on se laisse séduire, finalement, par cette construction aussi aléatoire que le métro lui-même, et on ressort de là en se disant que la bande dessinée n’a pas fini d’explorer toutes les manières de raconter une histoire.

Trente-neuf à l’ombre est un recueil de crobards glanés au hasard du bassin méditerranéen. Entre le carnet de route et le repérage, ce livret rassemble, un peu comme Réaumur-Sébastopol, une série d’images qui semblent toujours prélevées sur un plus vaste matériau, fourre-tout de voyage qui passe du trait esquissé à la tache, de la pointe la plus fine au pinceau, du paysage rapidement brossé au détail minuscule étudié sous toutes les coutures.

Qu’il pose en trois traits une place espagnole écrasée de soleil, qu’il brosse le portrait d’un caterpillar en train de rouiller, ou qu’il s’essaye à une petite typologie des ânes de méditerranée, Simon H. semble toujours recueillir le premier jet d’un futur travail, comme si une urgence indéfinie l’empêchait de construire un quelconque récit pour le pousser à jeter ces croquis à la volée avant de passe, vite, à autre chose encore. Même si le côté inachevé et volontairement brouillon de la chose peut rebuter, il se dégage de ces carnets une drôle de poésie un peu distante et un peu désinvolte. Un carnet dans lequel passent quelques instants de vie ne peut pas être tout à fait mauvais.

Le petit livre de la jungle est plus construit et plus divers : à partir d’un séjour dans l’est thaïlandais dans le cadre d’un chantier international de lutte contre le braconnage, Simon H. reprend ses croquis et ses brouillons d’impressions. Mais, cette fois, le chantier et ses participants servent de fil rouge au livre d’esquisse de Simon H., qui passe du portrait aux relevés entomologiques et du paysage aux anecdotes humaines, comme pour essayer de compiler en quelques pages de carnets tous les aspect de la vie du groupe dans la jungle. Comme s’il était avant tout préoccupé de laisser des traces crédibles de cette expérience, l’auteur mêle à ses croquis des photocopies de plantes séchées, de plumes, ou de relevés d’empreintes d’ours.

Le journal de bord se transforme alors en carnet du naturaliste, et les notes savantes se mêlent aux séquences narratives pour composer, finalement, un petit condensé d’exotisme thaï assez fascinant. En tout cas, ce livre de la jungle laisse entrevoir un Simon H. plus à l’aise dans la scénarisation d’épisodes narratifs complets que ne le laissaient supposer les précédents livrets. A quand un récit complet ?[2]

Notes

  1. Vous avez vu : je persiste à faire le malin…
  2. NB : ces trois mini-chroniques ont été rédigées en 2000 et 2001 : depuis, Simon H. a abondamment montré qu’en effet, il pouvait aussi livrer des récits complets…
Chroniqué par en juin 2009