Replay (t1-2)

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(T.1 : Le début … et la fin, T.2 : Le plein … et le vide)
M. Fornasaro, personnage secondaire du deuxième volume de cette série en cours, explique que le perdant n’est pas celui qui perd mais celui qui a peur de perdre.

Cela commence par une bousculade de souvenirs en 1997, autour d’une partie de cartes.
Deux planches servent d’introduction. Inversées, elles servent de conclusion. Une sorte de palindrome à base de cases montrant un temps cyclique, celui obsessionnel du souvenir, de la peur de perdre, du malaise. Ce palindrome de début et de fin de chaques albums, fonctionne comme un travelling avant ou arrière. Entre les deux albums, seule la focale change. Avec le second, le champ diminue, les souvenirs se précisent et ce font plus nombreux.
Don Walden est un joueur professionnel qui n’a pas de touche « play » (qui est un présent) sur le magnétoscope de sa mémoire, mais uniquement celle de « replay », un éternel passé encageant le présent dans des vortex d’avance et de retour rapide. « Replay blessure » pour reprendre un joli jeu de mot de Gainsbourg.
A force de jouer, son présent se perd. Le temps cyclique en devient trop rapide, annulant futur et passé ainsi que tous les extrêmes (d’où les sous-titres des albums). Walden est prisonnier de la boucle temporelle du souvenir, qui forme un noeud coulant se rétrécissant autour de sa gorge (lieu de la parole et du souffle).

Le titre de cette série est décidément bien choisi. « Play » comme pièce de théâtre : Don Walden a toujours voulu se donner le premier rôle, quelque en soit les moyens.
Y est-il arrivé ? Dans son temps de joueur il n’est plus qu’un comédien, qui rejoue la même pièce dans une ville toujours différente. C’est cette peur de perdre qui le fait bouger, car il n’est pas comédien, il n’est que joueur. Un nomade malgré lui, pour mieux se perdre (fuir les souvenirs tout en étant fidèle aux craintes de ses souvenirs).
La fuite en fait un perdant sans aura que ses succès financiers lui cachent mais que ses lettres régulières à son ami d’enfance Chuby et sa solitude sentimentale lui dévoile chaques jours davantage (et c’est seulement dans ces moments là qu’il est au présent).
A chaque jeu (de comédien et/ou de joueur) il rejoue sa vie, son passé à jamais entaché d’un meurtre qu’il a commis de façon froide et cynique sous les yeux simple de Chuby, à peine sorti d’une enfance désintéressée, dans le fictionnelle, et innocente malgré tous.
A la fin du deuxième album, Don Walden ne sait toujours pas avouer ses regrets…

Le dessin de Sala est un croisement entre De Crécy, Alex Barbier et le Loustal du début des années 80 (voire fin 70). Sala trouve son chemin rapidement, s’éloignant avec beaucoup d’intuitions de ces trois beaux ombrages de départ.
Le scénario de Zentner est solide, tout en dégageant une grande profondeur de sens et de psychologie.
Le seul bémol à cette oeuvre est le parti pris du format de publication en série. La scène « palindromique », malgré tout son aspect astucieux introduisant dans l’univers obsessionnel du jeu et du souvenir, apparaît un peu artificielle et répétitive avec le deuxième album (c’est l’idée du changement de focale qui a sauvé cette scène, mais qu’en sera-t-il pour le troisième album ?).
On regrettera aussi l’introduction scrupuleusement chronologique des souvenir de Don Walden tout au long du récit. La lecture s’en trouve trop simplifiée, accentuée en cela par des indications de date dans des narratifs. Replay, tout en restant une très bonne histoire, aurait gagné encore davantage en subtilité et en force, en faisant surgir les souvenirs de Walden par des flash-back a-chronologiques allant se précisant.

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Chroniqué par en mai 2001