Soulwind

de

Tout a commencé avec Phenomerama (chez Caliber Comics). J’ai d’abord cru que c’était une nouvelle revue. J’y ai vu quatre histoires avec quatre styles graphiques différents. Je me trompais. Ce n’était pas une revue mais bel bien l’oeuvre d’une seule et même personne et les différences entre les quatre récits n’étaient pas seulement d’ordre graphique, mais aussi dans dans les approches narratives et les thèmes abordés, de la science fiction au réalisme.

Ensuite, j’ai découvert Little Grey Man, une « petite fantaisie » selon les propre termes de l’auteur (chez Image Comics). Une histoire humoristique d’alien roswellien emplie de références cinématographiques et télévisuelles. Ce que Morse appelle la « Pop culture ».
On y voit entre autre El Mariachi, une conspiration-société-secrète X-filesque composée d’un samouraï, d’un parrain « Marlon Brandesque », d’un killer « John Wooesque » et d’un cowboy « Clint Eastwoodesque ». Le tout accompagné d’un girl’s band et d’une tortue armée de mitraillette.
L’ensemble donnant un album pas franchement convaincant mais de lecture agréable.

Puis j’ai trouvé le numéro 5 de la série Soulwind. (The day I tried to live ; Part one of four) Le trait était clair et souple avec une approche Art Déco et Art Nouveau.
Le récit commence en Illinois, de nos jours, avec un homme allant voir une vieille femme. Il y a alors une rupture et l’on se retrouve en Californie en 1938. Commence alors le récit d’un couple en partance pour un long voyage en voiture vers le Mexique. Le but de leur périple n’est jamais clairement abordé mais il semble que ce soit pour un avortement clandestin.

Ce numéro étant particulièrement réussi, j’ai cherché à trouver les 4 premiers numéros de Soulwind. La chance aidant, ce fut juste au moment ou ils sortaient en un seul volume intitulé The kid from Planet Earth.
En feuilletant l’album, j’ai été franchement largué. Cela commençait avec un graphisme chinois et un récit autour d’un jeune garçon dans un monastère bouddhiste. De nouveau il y avait une rupture narrative et graphique. Le second récit débutait avec de petits primates tout droit sorti d’un dessin animé en pleine conversation avec des aliens roswelliens.

A la fin du volume, CS Morse explique que Soulwind est une saga qui s’écoulera le long de 25 numéros. Le récit a été divisé pour tenir en 6 histoires de 4 numéros et une plus longue histoire finale. Si les récits semblent n’avoir aucun lien, Morse précise qu’il n’en est rien et que petit à petit le lecteur comprendra la totalité de de l’histoire.

CS Morse est indubitablement un auteur excitant qui se refuse à se laisser piéger dans un style précis et se cherche à la fois en tant qu’auteur, dessinateur et raconteur d’histoire.

Une première constante se remarque dans son travail. L’utilisation de la « pop culture ». Il y a beaucoup d’impression de « déjà vu » dans les albums : des approches graphiques empruntés ou « référence-hommage » à d’autres artistes ; des personnages qu’il nous semble avoir déjà aperçu chez d’autres auteurs ou dans d’autre médium (cinéma et télévision).
On peut donc faire bien des reproches à CS Morse. Les planches muettes, par exemple, sont souvent confuses et difficiles à suivre mais il y a une telle qualité dans son travail, il se réapproprie tellement bien toutes ces « bases » qu’elles semblent neuves et fraîches et comme disait Hitchcock, « il vaut mieux partir du cliché qu’aboutir au cliché ».

Morse à mis la barre très haut, il ne la franchit pas toujours mais le simple fait d’essayer est louable et quand il la franchit (les chapitres The day I tried to live) on a l’assurance d’assister à la naissance d’un des grands auteurs de demain.

Le numéro six de Soulwind vient de sortir (The Day I tried to live ; Part two of four). Le récit prend une nouvelle direction inattendu avec la dernière case : le personnage écrase un moustique et le comic se termine sur un gros plan de ce qui n’est pas un moustique, loin de là !

Chroniqué par en juin 1998