Tokyo Tribe

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En Japonais, «Saru» signifie «singe». Et l’on en resterait là si l’on ne croisait pas de temps en temps à Shibuya (quartier jeune de Tôkyô) quelqu’un arborant fièrement un t-shirt estampillé «SARU» à la manière des universités américaines. On pourrait croire qu’il s’agit d’une création du designer/artiste Nigo, dont le label (A Bathing Ape) est inspiré de la Planète des Singes, mais ces t-shirts ne sont que la manifestation du succès du manga d’Inoue Santa, Tokyo Tribe.

Tokyo Tribe, c’est Boyz in the Hood revu et corrigé à la sauce japonaise, c’est West Side Story importé dans la capitale nipponne et remis au goût du jour. On y retrouve la guerre des gangs et les meurtres inutiles, les provocations et le marquage de territoire.
Ne cherchez pas ici un regard critique sur le Japon d’aujourd’hui — Inoue Santa se fait plaisir, et se construit un Tôkyô de cinéma américain, empli de gunfights et de voyous romantiques. Cette passion hollywoodienne se retrouve jusque dans le design de ses livres, truffés de slogans en anglais approximatif et cryptique, comme ce «Stay hard core like Joe Pesci» qui ouvre le bal proposé par «Santastic ! Entertainment».

Tout autant que le dessin, qui n’est pas toujours très assuré, l’ensemble est souvent fortement empreint de naïveté. Mais au-delà des tentatives de provocation un rien puériles (comme ce «Parti National pour la Masturbation» qui harangue la foule à Shivuya, en lieu et place des nationalistes d’extrême-droite de la réalité), on découvre également un plaisir à raconter des histoires, un désir de se faire son cinéma qui emporte tout.
Et si les récits d’Inoue Santa ne cherchent pas à faire passer de message critique ou révolutionnaire, ils cristallisent néanmoins une part de l’imaginaire de la jeunesse nipponne d’aujourd’hui.

Site officiel de Inoue Santa
Chroniqué par en avril 2001