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Une araignée, des tagliatelles et au lit, tu parles d’une vie !

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L’auteur ne parle pas que d’une vie mais de plusieurs. Le tout forme une histoire faisant se croiser un fantôme, un personnage de roman, un écrivain, sa femme, le souvenir d’elle petite fille et un poisson femelle rose qui avale les bateaux de touristes sur le lac Titicaca (Pérou). Tous cela s’entremêle dans cet espace livresque, dans le filet joyeux, original, d’une mise en page oscillant savamment sur différents rythmes, du solo à la polyphonie, de l’improvisation à la comptine.

La nature réelle de ces vies est une autre histoire. Une histoire dans l’histoire. Des histoires dans l’histoire. Car que devient la réalité sous le filtre des mots et des images ? Une histoire.
Une histoire dont le présent est le dit et le lu. Ce qui fait que les vivants du présent et du passé se font personnages, ce qui fait qu’un ou des personnages imaginaires (de tous les à-côtés temporels) deviennent aussi vivant que les vivants, au présent et en présence.

Dans ce labyrinthe de mots et d’images, une jeune femme imaginaire, le portrait d’un aïeul lointain ou un souvenir de soi enfant peuvent prendre leur autonomie, tous les trois, comme ça.
Aux sources, l’écrivain reste médiocre, les possesseurs du portrait ne voient plus qu’un monochrome, et celle se souvenant devient une possibilité d’écrivaine ou d’un futur de petite fille. Les chemins, le temps, la géographie tout se croise, se mélange, se sépare, puis se… mais la page se referme, car le livre support n’est pas infini comme l’imaginaire.

Le nombril de ce monde aura été un lac d’altitude, beau bocal sur l’étagère d’une montagne, où il suffit de dire et de dessiner pour vivre les plus belles histoires, pour voir un poisson rose, grosse Lili, un peu jalouse, se maquillant parfois.
C’est pratique le plus souvent, sauf si on ne sait pas écrire, évidement. Là, la médiocrité vous rattrape, vous ne voyez plus les présences, risquez de passer à la télé et devenez une image sans présence qui a cette folle prétention d’être la réalité. Tant pis pour vous si vous ne lisez pas ce livre.

Camille Jourdy, plus connue comme illustratrice de livre pour la jeunesse, offre, avec cette première bande dessinée, une liberté et une fraîcheur devenant denrées rares en ces ennéa-contrées surproductives en quantité. Un livre sans systématismes, surprenant jusque dans son façonnage, que l’on lit et relit avec beaucoup de plaisir. Sorti il y a presque un an, cet album, peu évoqué m’a-t-il semblé, reste pourtant une des plus belle, attachante et stimulante surprise de ces douze derniers mois.

Site officiel de Drozophile
Chroniqué par en octobre 2005