Votez le Teckel

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Et revoici le Teckel, personnage tout droit sorti des seventies, celles des beaufs, pas celles des hippies ! Pour la troisième aventure du personnage, Hervé Bourhis (au scénario) et Grégory Mardon (au dessin) ont décidé de s’intéresser au monde politique français et à l’hyper-communication de celui-ci. Inspirés par les présidentielles françaises de 2017, les auteurs imaginent une campagne organisée par un cabinet de communication avec l’aval du pouvoir en place afin d’affaiblir l’opposition en leur mettant dans les pattes un démagogue populiste nostalgique d’un passé révolu et surtout fantasmé.

Guy Farkas, alias Le Teckel, est increvable, comme certains hommes politiques. Alors qu’il semble devoir profiter d’une retraite plus ou moins méritée, nous le découvrons occupé à médire sur les politiciens dès lors qu’il a bu un certain nombre de verres. Ses « talents » de tribun vont l’amener à rempiler pour une nouvelle mission : devenir le nouveau président de la République française. Après tout, chaque citoyen a le droit de se présenter aux élections. Pour cela, il suffit d’avoir des idées bien arrêtées, quelques slogans fleurant bon la nostalgie des années 1970 et un positionnement clair dans l’échiquier politique : l’extrême-centre !

Si on reconnait sans peine certains hommes politiques comme l’ancien président de la République, François Hollande, et son prédécesseur, ils ont un rôle secondaire et ne sont pas particulièrement visés par Bourhis. Ce sont plutôt des individus comme Donald Trump et Emmanuel Macron qui semblent être ses sources d’inspiration. La rhétorique et les arguments de campagne du premier se retrouvent dans l’ouvrage, en moins haineux et raciste toutefois. Le battage médiatique dont bénéficie le second est lui aussi une source flagrante. Par ailleurs, plus que les personnes, c’est bien la construction médiatique du Teckel qui est au centre du présent ouvrage.

La communication politique repose sur l’acquisition de la notoriété : si l’on ne parle pas de vous, vous n’existez pas. Pour éviter cela, il faut commencer par faire le « buzz », ce qui est plus aisé de nos jours grâce aux réseaux sociaux — réseaux sociaux qui sont des aimants à journalistes. Ensuite, il faut pouvoir raconter une histoire qui plait aux électeurs potentiels. Il ne reste plus qu’à mélanger story telling mis en place par des spin-doctors, meetings à l’ancienne, slogans porteurs, ralliements et télévision. L’importance de Twitter comme moyen de communication central est particulièrement mis en avant par Bourhis, tout comme les tics qui en découlent.

Heureusement, les deux auteurs réussissent à garder le sens de la mesure, une certaine subtilité dans la construction des événements et la conception des personnages. La charge n’en est que meilleure. Quoique éminemment sympathique, Le Teckel est démagogue, adepte du « yaka faukon » et n’a pas réellement réfléchi aux obligations et aux problèmes liées à l’exercice du pouvoir. En cela, il nous représente, nous, les électeurs si prompts à avoir un avis. Cependant, Farkas se rend compte de ses limites. Ne dit-il pas : « Il ne faut pas que je gagne, je suis trop con » ?

Ironiquement, ce troisième tome témoigne également d’une autre sorte de politique, éditoriale celle-ci. En effet, la sortie de ce nouvel opus, toujours coédité par Casterman et Arte Éditions, ne se fait pas dans la collection Professeur Cyclope — collection mise de côté discrètement depuis quelque temps. La revue éponyme est d’ailleurs elle aussi au repos depuis plus d’un an, l’ensemble des 23 numéros étant censé être disponible gratuitement[1]. Encore le coup d’un cabinet noir, à ne pas en douter !

Notes

  1. La page Facebook du magazine ne propose qu’un lien mort alors que le site officiel semble demander 4,99 € par numéro.
Site officiel de Casterman
Hervé Brient
Chroniqué par en octobre 2017