6 Pieds sous terre, histoire sensible et vraisemblable
- (1) Première partie
- - (2) Deuxième partie
- - (3) Troisième partie
- - (4) Quatrième partie
Le texte qui suit a été publié en mai 2012 dans l'ouvrage 6 pieds sous terre - l'animal a vingt ans, paru à l'occasion de l'auguste anniversaire. Alors que la première partie du livre était composé de contributions de compagnons de route divers et variés, Fabrice Erre s'attachait dans la seconde partie à retracer un panorama historique de la maison d'édition. Bien sûr, quelques années ont passé depuis: 6 pieds sous terre a dépassé les 25 bougies, son catalogue compte désormais plus de 200 titres... et la "nouvelle" formule de Jade, inaugurée en 2006, a livré son 16e et dernier numéro en 2015 (avant la prochaine renaissance?). Mais c'est aussi le lot de toute tentative historique "sur le vivant" que d'être aussitôt dépassée, sans pour autant devenir obsolète -- et ce témoignage en reste une belle illustration.
Comme chacun sait sans doute, toute étude historique digne de ce nom se doit de débuter par deux impératifs préalables : définir son objet et indiquer ses sources. Dans le cas qui nous occupe, cette première étape constitue déjà une difficulté.
S’il est possible de qualifier l’objet « 6 Pieds sous terre » d’une ligne (disons « maison d’édition de bandes dessinées »), il ne peut se définir si vite. D’abord association, devenue SARL de presse puis d’édition depuis vingt ans, cette structure semble flotter dans une cryptozone brumeuse, comme son nom semble d’ailleurs le suggérer complaisamment. Alors qu’elle appartient à la même génération que toutes les structures fondatrices du mouvement de la bande dessinée « alternative » des années 1990, et qu’elle a été la seule à publier pendant plus de dix ans un organe périodique d’information dédié à ce mouvement (Jade), la maison 6 Pieds sous terre reste le plus souvent exclue du discours historique ou critique qui se construit sur cette époque. Dans le pire des cas, son existence se trouve purement et simplement ignorée, comme dans le dictionnaire publié par Filippini chez Bordas en 2005 (un auteur d’ailleurs rangé par Jade dans la catégorie des « mammouths adeptes du dictionnaire des manques »[1] ). Dans le meilleur des cas, elle a droit à quelques timides mentions, comme une des composantes du paysage « indé », sans plus de détails[2]. 6 Pieds sous terre creuse pourtant son sillon de manière ininterrompue depuis vingt ans, propose en 2011 un catalogue approchant les 180 titres, et se montre capable de mobiliser une centaine d’auteurs pour célébrer son anniversaire. Une grande partie de l’effort produit dans l’étude qui suit sera donc consacré à essayer de comprendre cette situation, et, finalement, à tâcher de définir cet objet mal identifié. Ceci, il est permis de l’espérer, apportera un éclairage supplémentaire sur le mouvement « alternatif » dans son ensemble, en tirant vers la lumière une de ses faces cachées.
Pour ce qui est des sources, la tâche se révèle là aussi délicate. Les historiens le savent, mieux vaut travailler avec les morts, qui ne peuvent venir réclamer et contester un propos fatalement jugé en désaccord partiel ou total avec leur propre mémoire. Mais nous travaillons là sur une structure vivante (malgré son nom) et, au bout du compte, relativement jeune. Il faut donc en prendre son parti, écrire autant que possible cette histoire avec les témoins et acteurs plutôt que contre eux. Ce sera par conséquent une histoire subjective (d’autant que j’appartiens moi-même à la communauté des auteurs maison), partiale et fragmentaire, mais (c’est promis) écrite aussi sérieusement que possible. Puisque tous les acteurs de l’expérience 6 Pieds sous terre (fondateurs, auteurs, rédacteurs, bénévoles, sympathisants…) ont été invités à s’exprimer dans ce livre, leurs propos seront utilisés comme sources principales. Ainsi, l’histoire qui suit propose régulièrement des renvois aux témoignages regroupés en première partie, où le lecteur pourra juger de lui-même l’usage qui en a été fait. Le nom de l’auteur auquel il est fait référence se trouve ainsi indiqué entre crochets et en italique. Si cette dernière condition n’est pas remplie (crochets sans italique), cela renvoie à un entretien que l’auteur en question a bien voulu m’accorder, sans souhaiter ou pouvoir livrer un témoignage de sa main. La revue Jade, d’une existence quasi permanente depuis vingt ans, bien que sous des formes très différentes, constitue elle aussi une mine d’informations essentielle, à laquelle chacun pourra se reporter.
En bref
Afin de guider le lecteur, et de satisfaire les impatients, commençons par une vue panoramique sur les vingt années traversées par 6 Pieds sous terre. Ceci aura le mérite de planter un cadre chronologique indispensable à la compréhension du sujet, et de permettre à ceux qui n’en souhaitent pas plus de s’arrêter là.
L’association 6 Pieds sous terre, créée à l’été 1991 à Montpellier par de jeunes auteurs (Jean-Philippe Garçon, Jean-Christophe Lopez et Jérôme Sié, auxquels s’ajoutent bientôt Thierry Durand et Yves Jaumain), projette de publier avant tout une revue-fanzine, Jade, et de se lancer dans l’édition, comme beaucoup de petites structures cousines qui émergent à ce moment.
De 1991 à 1995, dix numéros de Jade sont publiés et rencontrent un certain succès : en 1993, le n°4 obtient l’Alph-art du meilleur fanzine à Angoulême, puis un prix au festival d’Audincourt l’année suivante. Ceci incite l’équipe à aller plus loin dans l’expérience. 6 Pieds sous terre devient une SARL en 1995, publie ses deux premiers albums et lance Jade magazine en diffusion nationale.
De 1995 à 2003, l’entreprise assure conjointement ses activités de presse et d’édition. Jade se fait l’écho d’une culture décalée, inscrite dans la marginalité et la « polyvalence » [Jean-Christophe Menu], comme en témoigne son sous-titre « Bande dessinée, Rock’n Roll, B Movies, Interviews, Ornithorynques », devenu plus simplement « Le journal des Autres ». La revue attire de nombreux auteurs de tous horizons dont certains, comme Lionel Tran, prennent une part active dans la rédaction. La publication des livres augmente, de un ou deux par an à une dizaine en 2002, après qu’Yves Jaumain et Jean-Christophe Lopez aient initié la collection Céphalopode, adaptation en bande dessinée des romans du Poulpe. Mais les difficultés, financières d’abord, s’accumulent car les ventes de Jade ne suffisent pas, et sont aggravées par une fatigue de l’équipe et des tensions internes. Thierry Durand s’éloigne de la structure dès 1999. En 2000, Jean-Philippe Garçon prend ses distances avec Jade magazine, jugeant que les responsabilités dans la rédaction ne sont pas équitablement réparties, et se concentre sur l’activité éditoriale et la mise en place du Jadeweb. Il reçoit fin 2000 l’aide de Julie Jourdan, stagiaire chargée d’organiser le site Internet de la maison.
2003 constitue une année charnière. Jade, moribond depuis plusieurs années, cesse sa parution. Les conflits s’enveniment à plusieurs niveaux, provoquant des ruptures brusques. Jérôme Sié, attaché avant tout au magazine, quitte 6 Pieds sous terre. Lionel Tran claque aussi la porte après la parution du livre Une trop bruyante solitude réalisé avec Ambre et Valérie Berge, et dont le lancement n’a pas été suffisamment assuré à ses yeux. En butte à son diffuseur, le Comptoir des Indépendants, 6 Pieds sous terre passe chez Diff Édit (futur Volumen).
De 2003 à 2007, la situation demeure critique. Les relations entre les responsables rescapés restent tendues. Yves Jaumain s’éloigne à son tour doucement. La production de livres augmente et se diversifie, avec la création de nouvelles collections comme les Lépidoptère, dans laquelle s’organise une nouvelle version de Jade à partir de 2006. Mais cette vitalité éditoriale n’empêche pas le déficit de se creuser. La collection Liber Niger, reprise en collaboration avec une maison toulousaine, est un échec (2004-2005). Aux problèmes commerciaux s’ajoutent des catastrophes imprévues. En 2006, le local où sont entreposés les livres subit une inondation, détruisant une partie du stock. En 2007, un procès engagé par un auteur mécontent met la structure au bord du gouffre. Avec environ quatre-vingt mille euros de dettes, 6 Pieds sous terre se trouve dans une impasse.
De 2007 à 2011, contre toute attente, la maison d’édition retrouve une certaine stabilité, grâce au renfort apporté par des éléments extérieurs. Sollicités par Julie Jourdan, qui s’implique elle-même davantage, Miquel Clemente et Marie-France Dewast prennent en main la gestion de l’entreprise. Dans la transition, le rythme de publication est ralenti, de l’argent est injecté, un équilibre s’installe. L’idée de fêter paisiblement ses vingt ans peut s’envisager.
Ce rapide coup d’œil sur les péripéties vécues par 6 Pieds sous terre n’en dit cependant pas beaucoup sur ce qui fait sa nature, sa personnalité. À ces faits bruts, il convient de proposer maintenant une mise en perspective, de replacer 6 Pieds sous terre dans le contexte qui l’a vu naître et grandir, et de suggérer des pistes de compréhension en confrontant ce que les témoignages des acteurs nous apprennent.
Préhistoire
En 1991, 6 Pieds sous terre surgit au cœur d’une efflorescence alternative [Terreur Graphique]. D’autres structures (associatives ou professionnelles), avec qui la comparaison s’impose, l’ont précédé ou suivi : L’Association à la Pulpe (plus connue sous le nom de L’Association tout court) en 1990, Cornélius et les Requins Marteaux en 1991, le Dernier Cri en 1992, Ego comme X en 1993, Fréon et Amok en 1994… Leurs animateurs ont en commun le rejet d’une forme de bande dessinée commerciale, la « bédé » mainstream comme elle sera progressivement désignée, au bénéfice d’une expression plus personnelle, plus intime même, des auteurs : « tous ne publiaient pas les mêmes choses, les sensibilités étaient diverses, mais tous ramaient dans le même sens et tiraient leurs boulets de canon dans la même direction » [Jérôme Sié]. Cela passe par la prise en main de l’outil de production, à savoir la chaîne éditoriale, en commençant à l’échelle du fanzinat pour en arriver aux maisons d’édition « alternatives », proposant de nouvelles pistes aussi bien dans la forme que dans le fond. Cette revendication n’est pas tout à fait neuve, s’appuyant sur un travail déjà bien déblayé depuis les années 1970, mais elle suscite là une « émulation » [Ambre] inédite et un mouvement relativement massif qui, s’il ne parvient pas à balayer le courant mainstream, a tout de même réussi à lui donner une orientation différente.
Un tel épanouissement, sur un temps relativement court, invite à s’interroger sur ses racines. Selon certains acteurs de l’expérience, ce serait une affaire de génération. Des « intello précaires » poursuivant de vagues études, enfants de mai 68 élevés à la bande dessinée populaire et dans le culte de la création, seraient au cœur du mouvement [Lionel Tran], cette « génération post-30 glorieuses » qui publie « trente ans après ses premiers dessins dans la mousseline »[3]. L’hypothèse présente le mérite d’inviter à porter le regard en amont, pour balayer les trois décennies qui précèdent dans l’espoir d’y trouver des facteurs explicatifs, ou du moins des éléments de réflexion, et au passage d’impliquer la responsabilité des aînés.
Au cours des années 1960, la « bande dessinée franco-belge » triomphante subit des désordres remettant en cause l’idée que l’auteur de bande dessinée peut se faire de lui-même, et le rapport qu’il entretient à l’autorité éditoriale. Parmi les événements qui marquent la décennie à ses deux extrémités, j’en retiendrai deux pour leur caractère symbolique. En 1961, alors que Pierre Duba apprend tout juste à marcher, André Franquin fait une lourde dépression qui l’empêche de poursuivre normalement l’aventure de Spirou sur laquelle il travaille, QRN sur Bretzelburg. Sept ans plus tard, en mai 1968, au moment même où Gilles Rochier voit le jour à Colombes, René Goscinny subit une sorte de putsch à la tête de Pilote, ses auteurs venant en masse contester son autorité et réclamer plus de liberté[4]. Ces deux ruptures dans le continuum paisible de la bande dessinée franco-belge participent à une chaîne de conséquences qui modifient dans les années 1970 le paysage de la bande dessinée en remettant en cause le rapport de l’auteur à son œuvre. L’idée d’une prise en main par l’auteur de son propre medium de diffusion se généralise : la jeune génération de Pilote quitte le foyer pour aller fonder une multitude de fanzines et de journaux dont ils assurent la gestion (L’Écho des savanes, Fluide glacial, Métal hurlant, Tousse Bourin, Mormoil…) où ils peuvent développer un propos plus « adulte », et doter Gai-Luron d’un slip par exemple. Même à Spirou un vent de liberté souffle avec Le Trombone illustré, supplément animé par Delporte et Franquin, qui y entame sa série la plus personnelle des Idées noires, séquelle directe des événements évoqués plus hauts. Après le doute des années 1960, vient donc le temps de l’action. Ces expériences connaissent des destins divers, mais certaines se révèlent durables. Surtout, elles se renforcent en rencontrant les motivations d’une nouvelle génération d’éditeurs « indépendants » qui accompagnent ce désir d’offrir à « l’auteur de bande dessinée » une place supérieure à celle du « héros de bande dessinée ». En 1972, Futuropolis se lance dans l’édition et imagine des formats inédits, permettant à toute une génération d’auteurs d’expérimenter de nouvelles voies. D’autres structures indépendantes voient le jour, en France et en Belgique : Glénat, Magic Strip… Cette évolution, profonde, des années 1960 et 1970, transforme donc le paysage de la bande dessinée, mais ne fait pas disparaître les formes traditionnelles de l’activité. Elle tendrait plutôt à clarifier la rupture entre une « BD mainstream », toujours hégémonique et connaissant un succès grandissant, et une « bande dessinée d’auteur » plus à la marge, ou à l’avant-garde si on préfère. Alors qu’à Pilote Astérix et Lucky Luke pouvaient cohabiter avec le Sergent Laterreur et Gébé, les choses se scindent plus nettement dans les années 1980. Les anciens comme les nouveaux ont tendance à devoir choisir leur camp. Ainsi, quand Futuropolis s’engage résolument dans la bande dessinée d’auteur en créant la collection X, Glénat, puis Delcourt et Soleil, eux aussi « indépendants », choisissent plutôt la voie de la bande dessinée grand public.
Tout ceci bouscule les repères de la jeune génération, qui se trouve invitée à modifier son regard en grandissant. Plusieurs auteurs interviewés dans Jade ont raconté cet itinéraire. Jean-Christophe Menu, grand lecteur de Spirou dans son enfance, explique de quelle manière sa sensibilité a évolué : « Ma boulimie de bandes dessinées se dirige [à partir de 1982] vers les productions relatives à Fluide glacial et Métal hurlant. Il m’arrive parfois d’acheter un album qui porte le logo de Futuropolis. Ces albums me font une étrange impression de sérieux »[5]. Chauzy suit des voies semblables, lorsqu’il évoque son intérêt successif pour Pif, Spirou, Fluide glacial, Métal hurlant, et finalement ses débuts chez Futuropolis[6]. Les bouleversements dans l’édition se prolongent dans une presse réclamant un autre statut pour la bande dessinée et l’associant à d’autres formes d’art, au cœur d’un discours engagé et énergique, tel qu’il se développe dans Charlie Mensuel [Isaac Wens] ou Actuel. Cette mutation s’opère enfin dans un climat d’expérimentations touchant d’autres moyens d’expression, la musique rock en particulier qui connaît déjà une forte poussée de l' »alternatif ». Le fanzinat se développe, suscitant la création à Poitiers de la fanzinothèque [Didier Bourgoin], où sont recueillies indifféremment les productions relatives à la musique et à la bande dessinée. Une presse spécialisée anime ce mouvement, avec des titres tel Rock hardi (« Musique, BD, polar »). Les fanzines dédiés à la bande dessinée se multiplient, certains comme PLG évoluant vers les « prozines » en proposant une indéniable qualité de forme et de fond. Il existe donc une sorte de fermentation qui s’accentue à la fin des années 1980 et qui oriente le monde de la bande dessinée vers un renouvellement profond, avec l’affirmation d’une nouvelle génération d’auteurs. L’année 1989 constitue un observatoire intéressant du mouvement en germe, dont les signes avant-coureurs se multiplient dans des lieux très différents. Sous l’impulsion de Robial, Jean-Christophe Menu conçoit la revue Labo pour Futuropolis. Dans le même temps, il participe au lancement par Paul Carali du Psikopat, bimestriel de petit format, avec également Mattt Konture, Kiloffer et Lewis Trondheim. À Fluide glacial, la toute nouvelle recrue Blutch dynamite les références de la bande dessinée traditionnelle (Tintin, Lucky Luke, Donald), développe un style graphique et narratif inédit, et plaisante dans les marges avec la jeune génération de l’équipe (Thiriet, Dupuy et Berbérian…). Au sein même de Circus, la revue de Glénat plutôt orientée vers le mainstream, un supplément décalé intitulé « Les Globals » offre un espace de liberté à des auteurs énergiques (Riff Reb’s, Arthur Qwak, Cromwell…) qui alimentent également de nouvelles structures éditoriales comme Rackham. Au même moment, dans le paisible département de l’Hérault, une poignée de jeunes gens apporte sa pierre à cette effervescence en créant un nouveau fanzine intitulé Rumeur, qui tient une place fondatrice dans l’histoire qui nous intéresse ici.
« La Rumeur… ! C’est vous, c’est moi, c’est un bruit qui se répand comme une maladie contagieuse, c’est un sentiment, une humeur qui se propage à travers des mots ou des images » : le premier numéro du fanzine, publié en octobre 1989 par l’association Trans Bandes Dessinées Connection, s’ouvre sur ces mots. L’ambition des auteurs (Franck Duguet, Jean-Philippe Garçon dit Buzz, Laurence Ripert…) consiste à « promouvoir toutes les créations » dans le domaine graphique, et à proposer par leurs propres bandes dessinées d’autres manières de faire. Jean-Philippe Garçon, qui a déjà animé plusieurs fanzines (le premier tout en dessins originaux sur les papiers administratifs de papa, puis, au lycée, Le Petit hérétic), propose une première histoire très décalée : les personnages, en style réaliste, évoluant dans un noir et blanc contrasté au beau milieu d’un découpage sophistiqué, entreprennent de casser la figure au lecteur qui attend d’eux une « histoire de fesses ». Le fanzine tente d’adopter tout de suite un profil professionnel, se dotant dès le deuxième numéro d’une couverture couleur, d’un rythme trimestriel, d’une rubrique interview sollicitant des pointures de la bande dessinée et de la musique (Caza, Ptiluc, Dethorey, Dupuy et Berbérian, Baudoin, Noir Désir…). Il se diffuse localement d’abord, puis régionalement, autour de mille exemplaires. De nouveaux talents sont vite repérés par l’équipe, qui s’agrandit à chaque livraison. Au n°2 (janvier 1990), la page des « promotions Rumeur des artistes graphiques » présente le travail de Jean-Christophe Lopez (Jean Kristoff), animateur auparavant des fanzines Assez d’essais et Le Trublion illustré. Puis au n°3 Jérôme Sié apparaît au sommaire. Les nouvelles recrues poursuivent leurs publications régulièrement, et se chargent de responsabilités : Jean-Christophe Lopez, qui a une formation commerciale, s’occupe notamment de démarcher des annonceurs pour financer le projet. Rumeur prend de l’ampleur, passe de trente-deux à soixante-quatre pages en cinq numéros. Mais l’expérience tourne court. En 1991, l’un des fondateurs, Franck Duguet, quitte la région pour des raisons professionnelles et confie l’avenir du fanzine à ses équipiers. Cependant, le co-directeur de la publication, un « publiciste » chargé principalement de questions matérielles [Franck Duguet], destine Rumeur à évoluer vers un journal local. Cette vision des choses entre en totale contradiction avec celle des rédacteurs, qui depuis deux ans fréquentent l’espace fanzine à Angoulême et rendent compte de sa vitalité, des perspectives artistiques qu’il ouvre, et poursuivent un « idéal » d’une toute autre nature [Jean-François Rossi]. Ils en arrivent donc à la rupture, déchirent solennellement la maquette du n°7 dans le bureau du co-directeur, avant de partir continuer ailleurs leur projet et de s’impliquer plus franchement dans le mouvement qui s’amorce.
Notes
- Jade magazine, n°10, avril-mai 1997, p. 17.
- Dominique Dupuis, Au début était le jaune, PLG, 2005 ; Thierry Groensteen, La Bande dessinée, son histoire et ses maîtres, Skira/Flammarion, 2009.
- Jade magazine, n°17, mai 1999, p. 12.
- Le Livre d’or du journal Pilote, Dargaud, 1980.
- Jade fanzine, n°9, septembre 1994, p. 20.
- Jade magazine, n°2, novembre-décembre 1995, p. 45-46.
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