Vues Ephémères – Mai 2007
Blogosphère, blogosphère …
(ou est-ce que j’ai une tête de ?)
Ce mois-ci, quelque part en Mai selon nos tablettes, du9 devrait fêter le onzième anniversaire de sa présence sur la toile mondiale. Onze années d’activité électronique plus ou moins intense, assorties de deux renaissances et d’autant de nouvelles présentations, le tout soutenu par une équipe à géométrie et implication variables. Onze années de publication sur électrons garantis recyclés, à explorer les courants alternatifs au fil de nos lectures et nos découvertes. Collectif de lecteurs avant tout, du9 a toujours revendiqué son petit bout de la lorgnette, sa subjectivité assumée, sa voix/voie personnelle.
Alors il est vrai que du9, que certains ont pu qualifier (à tort) de blog, ne parle pas du phénomène. En fait, pour être plus précis, nous n’avons jamais publié de chronique sur une version électronique, alors que pour autant les versions papier ont eu cet honneur — que ce soit Les Petits Riens de l’éminent Lewis Trondheim, le Beyrouth, juillet-août 2006 de Mazen Kerbaj, ou encore le Blog du Cap’tain @robase d’Isaac Wens.
Dictature de l’objet, quand tu nous tiens …
Bien sûr, on pourrait arguer que c’est plus facile, ne serait-ce que parce que la version «livre» d’un «blog BD» résulte déjà d’un travail de sélection effectué en amont par l’éditeur — ce qui, au vu du nombre imposant de sites faisant preuve de qualité variable et de talents divers, n’est pas une mince affaire. Mais la question du support se pose en d’autres termes.
Par essence, le «blog BD» n’existe que dans le présent, œuvre constamment en construction ou en devenir, qui (pour le lecteur curieux) s’effeuille à l’envers, dans une lecture à rebrousse-chronologie. Pire, certains poussent même le vice à renier la mémoire que constituent les archives, tel Trondheim s’amusant à affirmer l’aspect éphémère et anecdotique de ses «Petits Riens». Ne reste plus qu’à suivre cette course en avant permanente, une sorte d’improvisation au jour le jour dont on ne sait où elle aboutira.
Et face à un tel objet, le chroniqueur en vadrouille électronique que je suis se trouve bien perplexe, se demandant comment aborder la chose. Car ce qui fait une œuvre, c’est aussi qu’elle résulte de la démarche d’un auteur, qui lui décrète (après des révisions et des retouches qui restent la plupart du temps en coulisses) un état final et fini. Et le blog, espace immanent et mouvant, est généralement à l’opposé de cela, tant dans son processus de création au fil des jours et des idées, mais aussi dans son mode de consommation.
D’une certaine manière, l’édition papier d’un «blog BD» opère une transformation, figeant dans le temps (entre un début et une fin) et dans l’espace (d’une feuille à l’autre) un ensemble qui n’était alors que consultable de manière discontinue (dans la fenêtre immuable d’un écran d’ordinateur, au gré des clics et des temps de chargement). Et c’est sans doute dans cette «multiplicité immédiatement disponible» que réside cette différence fondamentale qui fait apparaître, ici des thématiques récurrentes, là une structure narrative globale, là encore une accumulation sans intérêt.[1]
Autant de constats pour lesquels une «prise de réalité» de la part des blogs m’est nécessaire — sans doute le signe que, bien qu’existant le temps de quelques chroniques dans le virtuel de la toile, je reste avant tout un lecteur aux limitations bien réelles.
François Avril – Cinéma deuxième partie – Alain Beaulet, Collection Les Petits Carnets
Alex Baladi – Discoman – Atrabile, Collection Lympe
J.M Bertoyas – Le Flon – Les Requins Marteaux
Isabelle Boinot – Nicoptine – Éditions En Marge
Luis Duran – L’illusion d’Overlain – Rackham, Collection Morgan
Fabcaro – La Bredoute – Six pieds sous terre, Collection Lépidoptère
Jean-Luc Fromental & Francis Nielsen – Il était une fois… – ArtMalta
Alexandre Kha – Les mangeurs d’absolu – Tanibis
Vincent Vanoli – L’attelage – L’Association, Collection Ciboulette
Manu Larcenet – De mon chien comme preuve irréfutable de l’inexistence d’un Dieu omniprésent – Six pieds sous terre, Collection Lépidoptère
David Libens & Philippe Vanderheyden – Les dunes – L’Employé du Moi, Collection Sous-main
Manyfest/Rais+Alder – Brigitte – Castagniééé
Tommi Musturi – Le second livre de M. Espoir – La 5e couche, Hors Collection
Morgan Navarro – Malcom Foot – Les Requins Marteaux
Amanda Vähämäki – Campo di baba – Frémok, Collection Quadrupède
Henriette Valium – Ab bédex compilato – L’Association, Hors Collection
Karlien de Villiers – Ma mère était une très belle femme – Editions çà et là
Versions Originales
Gary Baseman – A Taste Of Venison : A BLAB ! Storybook – Fantagraphics Books
Mike Carey, Sonny Liew & Marc Hempel – Re-Gifters – DC/Minx
Nicolas Debon – The Strongest Man In The World : Louis Cyr – Groundwood Books
Budd Fisher & Jeff Lindenblatt – Forever Nuts : The Early Years Of Mutt & Jeff – NBM
Renée French – Micrographica – Top Shelf Productions
Walt Holcombe – Things Just Get Away From You – Fantagraphics Books
Jeff Kinney – Diary Of A Wimpy Kid – Abrams
James Kochalka – Super F*ckers #4 – Top Shelf Productions
David Lapham – Silverfish – DC/Vertigo
Rutu Modan – Exit Wounds – Drawn & Quarterly
Zak Sally – Sammy The Mouse #1 – Fantagraphics Books, The Ignatz Line
James Sturm – James Sturm’s America : God, Gold & Golems – Drawn & Quarterly
Revues
Canicola n°4 – Canicola
Comix Club 5 – Éditions Groinge
Écritures n°15, «Quoi maintenant ?» – La 5e Couche, Revue Écritures
The Comics Journal #284 – Fantagraphics Books
Requiescat in Pace
– Massimo Belardinelli (69 ans), dessinateur italien ayant participé à la revue anglaise 2000AD, en particulier sur les séries Dan Dare ou Sláine.
– Johnny Hart (76 ans), créateur du strip B.C. et co-créateur (avec Brant Parker) du strip Wizard of Id.
– Jocelyn Houde (46 ans), auteur québéquois de la série Panzer et dernièrement de Les derniers corsaires.
– Brant Parker (86 ans), dessinateur et co-créateur (avec Johnny Hart) du strip Wizard of Id.
Petit livre tout empreint de poésie, The clouds above de Jordan Crane vient de sortir chez Dargaud sous le titre plutôt logique de Dans les nuages. Mais là où Fantagraphics avait livré un joli petit volume relié tout carré, égrenant une case par page pour ce récit teinté d’onirisme, Dargaud garde un papier épais mais sacrifie à la tradition de l’album, et en 48 pages s’il vous plait. La case unique par page (petite fenêtre-univers où se déroule cette bande dessinée qui ne demanderait qu’à s’animer) laisse alors la place à un gaufrier régulier (3 x 2) dont le défilement est ponctué de temps à autre par une case plus grande jouant les points d’arrêt.
L’édition française reste cependant silencieuse sur l’éventuelle participation de l’auteur à ce remontage — remontage dont on imaginera sans peine les raisons : la force de l’habitude, l’emprise des collections, la facilité logistique d’un format que l’on voudrait nous faire croire inéluctable.
Notes
- Il n’est sans doute pas étonnant d’ailleurs de constater que les blogs qui sont les plus souvent cités en exemple de «success story» — Frantico, Trondheim, Boulet, James et la Tête X — sont également ceux qui sont les plus structurés, adoptant un format de (récit en une) planche … et souvent signés d’auteurs déjà reconnus et publiés «dans le réel».

Super contenu ! Continuez votre bon travail!