Journal (II)

de

« Il paraît que sur cette ville plane une malédiction : peu ou pas de rapports humains. Je n’y crois pas. Je ne veux pas y croire. Je me battrai pour que cela ne soit pas vrai. »

Ainsi s’ouvre le deuxième volume du journal autobiographique de Fabrice Néaud (coup de coeur à Angoulême en 97) qui recouvre une période assez courte (de septembre à décembre 93). Après un premier tome plutôt centré autour d’une histoire d’amour malheureuse, ce second opus représente une période plutôt calme (sur le plan sentimental) dans la vie de Fabrice Néaud, ce qui lui permet d’aborder beaucoup plus de situations différentes et de développer des propos plus variés.
Bien sûr la vie d’un jeune dessinateur fraîchement sorti des Beaux Arts passe par les plans galères (petits boulots publicitaires), les relations avec ses amis (essentiellement liés à ses projets artistiques), les peines de coeur ressassées et le doute face à la normalité omniprésente ou pire face à une tolérance trop facile pour être honnête.

Au-delà des réflexions souvent très justes que lui amène à faire sa démarche autobiographique, le véritable art de Fabrice Néaud réside dans sa faculté à illustrer de manière originale et profonde un récit forcément abstrait puisque constitué principalement d’impressions, de raisonnements et de monologues.
Seules les scènes torrides et les scènes de la vie quotidienne subissent un traitement réaliste et classique, le reste subit un traitement iconographique particulier procédant soit par association d’idées soit par le brouillage volontaire de certaines parties du dessin.
Cette technique culmine lors des discussions en tête à tête qui sont dès lors de véritables moments de bravoure pour qui aime à entrer dans la tête des personnages. Le point de vue (et de cadrage) est tellement souvent celui de l’auteur/narrateur, qu’on est presque surpris de découvrir Fabrice au détour de quelques cases !

Parmi les thèmes abordés, j’ai particulièrement apprécié le passage sur les confidences tellement maîtrisées et « codifiées » qu’elles n’en sont plus et rendent étrangers plutôt qu’elles ne rapprochent. Assurément ce journal constitue une oeuvre majeure du style autobiographique par la profondeur des propos (aucun procédé comique atténuateur ici) et celle de la narration mieux servie par les astuces iconographiques que par un dessin très réaliste qui peut décevoir.
Pour ceux qui ont été un peu choqués par le projet récent (publié dans la revue Ego comme X) de journal direct de ce même auteur, je signale que ce deuxième tome est loin de la dureté du journal direct, ici le récit est encore romancé.

Site officiel de Ego Comme X
Chroniqué par en août 1997