
Louis Riel (#1)
Il fallait bien que le comic s’attaque un jour à l’Histoire avec un grand H. Mais je n’aurais pas cru que Chester Brown ouvrirait le bal. Avec Louis Riel, Brown se lance dans le récit d’un épisode de l’histoire du Canada : la résistance des populations francophones à l’unification du pays par les sujets de sa gracieuse majesté.
Cette première livraison, 23 pages sur les 214 que prévoit le synopsis, révèle un Chester Brown nouveau (la fresque historique n’a jamais été son sujet favori) mais pourtant pas si déroutant que ça : le format demeure (six cases carrées par page, aux bords épais, arrêtant l’oeil), le trait aussi, et surtout cette maniaquerie du détail érudit et de la précision qui s’était déjà révélée à la fin de The Little Man. Brown avait récapitulé dans les dernières pages de son recueil toutes les étapes de la construction de ses histoires, en ajoutant des références bibliographiques, des discussions de fond, des informations, des idées. Ici encore, les dernières pages sont consacrées à la documentation (et ce sera le cas dans chaque numéro).
L’intérêt du procédé est immense : on peut concevoir une bande dessinée comme un ouvrage qui apporte des connaissances. Sa limite est évidente : à force de didactisme, le souffle et le rythme de l’histoire risquent d’être difficiles à tenir. Mais au moins cette première livraison de Louis Riel montre un auteur capable de prendre des risques en changeant radicalement de sujet, tout en s’obligeant à affronter des figures imposées nouvelles : scènes de foule, batailles, chevauchées, chariots, paysages sauvages.
Bien sûr les chevaux sont encore un peu figés, et les personnages très académiques. Mais l’innovation exige aussi un peu de patience et de confiance. Quand un autobiographe intimiste se met à envahir les codes du western et les territoires de l’historien, j’ai du mal à ne pas être alléché.

Super contenu ! Continuez votre bon travail!