Passages

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Par honnêteté intellectuelle et comme c’est mon premier article ici, je préfère préciser d’emblée que je connais Loïc Dauvillier personnellement. Ceci ne m’empêchera pas de faire ici un article le plus sincère qui soit, mais cela évitera en revanche toute accusation de copinage éhonté ou de favoritisme primaire.
Ce petit point étant éclairci, je voudrais tout d’abord exposer le pourquoi de cet article. Deux choses importantes à cela. La première est que la démarche qu’entreprennent Loïc Dauvillier et Thibaut Poursin pour la distribution de leur ouvrage pose un certain nombres de questions primordiales pour l’économie du livre à venir. A l’heure où l’on nous parle à longueur de journée de crise mondiale, les restructurations et les évolutions qui ont lieu depuis la «révolution numérique» dans le monde du livre, ont déjà bien entamé le quota de crise de ce secteur culturel. Ce que proposent les auteurs ici prouve que de nouveaux schémas de distribution sont en train d’être expérimentés et ce, grâce à l’ouverture qu’offre Internet.

Mais quelle est donc cette démarche de distribution ? Comme vous vous en doutez, entre le moment où un livre naît dans l’esprit de l’auteur et le moment où il arrive entre vos mains avides de découvertes, il est déjà passé entre de nombreuses mais non moins avides, paires de mains. Et après chaque intermédiaire, le prix du livre a augmenté. Je ne suis pas économiste ni spécialiste de la question, je n’ai jamais très bien compris tous les tenants et les aboutissants de cette vaste farandole que l’on appelle le marché du livre mais ce que je sais en revanche aujourd’hui c’est que pour un livre comme celui que proposent les auteurs, son prix varierait du simple (10 euros pour l’heure) à plus du double s’il avait emprunté le circuit normal. Il n’est pas question ici de jeter l’opprobre sur telle ou telle catégorie d’intermédiaire qui se sucrerait plus qu’une autre au passage ou même de trouver le coupable ou le responsable de tout ça mais face à la monté des coûts en tous genre, raccourcir les circuits de distribution pour faire baisser le prix de vente, en se servant d’Internet comme vitrine est une option tout à fait intéressante.
Sachez-le donc, ce livre n’est pas disponible chez les libraires. Le seul moyen de vous le procurer est de l’acheter directement chez le producteur à cette adresse.

Mais ce livre pose aussi une autre question puisqu’il est disponible en format PDF. Pour ceux qui ne comprendraient pas ce que cela signifie ; il est accessible gratuitement sur le site du scénariste Loïc Dauvillier. Or la gratuité de cet accès doit-elle pour autant nous dispenser de l’achat du livre en lui-même, source de revenu des auteurs bien sûr ?
Pour ma part, la réponse est sans équivoque, non. Pourquoi ? Parce que le tour de force de ces derniers est d’avoir réussi à faire de ce livre, un bel objet. Car un livre rappelons-le, n’est pas seulement une lecture. C’est aussi un objet. Et force est de constater que celui-ci est réussi.

Abordons maintenant le second point qui m’a poussé à écrire cet article et parlons donc du livre lui-même ; de son contenu avec un mot tout d’abord de l’histoire. Il sera rapide puisqu’il est inutile à mon sens que je me lance dans un résumé qui ne signifierait pas grand-chose. Tout est basé ici sur la sensibilité qu’a su transmettre le scénariste. Sachez seulement que l’on y croise toute une galerie de personnages tout simplement humains et que c’est cette simplicité qui donne toute son authenticité au récit.

Ma première lecture s’est faite sous le format PDF, «pour voir» comme on dit. Cette première approche m’a confirmé ma sensibilité au trait de Thibaut Poursin. Même à travers un écran, l’expression de son trait qui évolue entre De Crécy et Larcenet, a su trouver le ton juste pour habiller cette série d’histoires innocentes et poétiques. Avec quelque chose des Petits riens de Lewis Trondheim, la couleur en moins et la poésie en plus, cette narration qui s’accroche aux choses infimes de la vie s’organise autour d’une succession de tableaux ayant pendant quelque temps une toile de fond fixe.
Cette lecture quelque peu sautillante qu’induit ce format numérique offre une double forme de lecture. En effet le format «une case une page» déjà utilisé par d’autres auteurs fonctionne puisque cette narration touche le lecteur par sa sincérité et arrive même à le surprendre par son originalité. Et le rendu sur l’écran, avec cette succession de cases, flirte sans y toucher vraiment avec l’animation. On pourrait presque y voir quelque chose de Plympton par exemple flottant alors autour de cette lecture à l’écran.

Puis plus tard j’ai eu le livre entre les mains. Plusieurs choses se sont confirmées alors. A l’écran comme assis dans son canapé, c’est un livre qui se lit vite. Mais une fois qu’on l’a entre les mains justement, s’il reste dans la liste de ces ouvrages qu’on lit rapidement, il entre dans la catégorie plus restreinte de ceux auxquels on repense avec délectation et qui même vous donne envie de s’y replonger, juste comme ça, pour voir. Car une lecture rapide ne veut pas dire pour autant qu’il s’agisse d’une lecture vide, que l’on oublie sitôt le livre terminé. Rapidité n’est pas forcément synonyme de vacuité et si l’on enchaîne les pages les une derrière les autres, c’est pour mieux rester dans l’ambiance que les auteurs ont su créer tout au long de ces 180 pages ; peut-être devrais-je dire de ces 180 scènes.

Et c’est cette impression qui s’amplifie avec l’objet «livre» entre les mains. Chacun a sa façon de lire et personnellement, je suis de ceux qui peuvent revenir de très nombreuses fois vers un livre que j’ai apprécié. Or il est certain maintenant que je ferai de nombreux Passages tout au long des pages de celui-ci.

Site officiel de Loïc Dauvillier
Chroniqué par en novembre 2008