Petit Mops

de

Petit Mops est un être en enfance, de celle d’un petit d’homme. Il ne parle pas, il a la posture verticale de l’humanité et cette néoténie forcément attachante où se décèlent à la fois son autonomie relative et une volonté de donner un sens au monde qui l’entoure et qu’il découvre.
Oui, il est un prolongement des plus jeunes qui liront ses aventures, avec, comme eux, cet horizon lointain comme possible — en permanence matérialisé en toutes ces pages — d’où l’on peut se rêver astronaute, voire décrochant la lune.

Mops, petit en ce vaste monde dessiné, va vivre quatre aventures qui sont comme les saisons d’une vie,[1] ou plutôt de cette partie de la vie d’homme qui en est le prélude, et fait qu’avec sa fin on devient tous quelqu’un d’autre.
Parlons d’étape alors, d’une première un peu froide où l’empathie se révèle,[2] d’une seconde où l’idée de métamorphose fait son chemin chaussée de mille bottines,[3] d’une troisième où la «grandeur» de la Lune se révèle au-dessus de cet horizon pour mieux dévoiler le sel d’un monde paradoxalement infini dans ses limites[4] et d’une quatrième où l’on s’inscrit enfin dans ces cycles généraux, où l’horizon est à atteindre, où l’on ne marche plus parallèle à lui.[5]

Avec un œuf, un papillon, un croissant de lune et un vol d’oiseaux migrateurs, c’est une prise de conscience qui se construit, de l’altérité à l’impermanence,[6] des limites perceptives du monde[7] à celles d’une flèche du temps à la trajectoire vrillée, donnant l’illusion de cycles.
Un balluchon à l’épaule, Petits Mops vit cela comme tout le monde, s’accordant au nuancier des sentiments faisant humanité, en voyageur d’un monde qu’il faut/faudra connaître pour que le meilleur prime sur le pire. Ce simple bagage au bout d’un bâton ne sera jamais ouvert. Il semble moins contenir le strict nécessaire du voyageur que son intimité lui donnant l’identité de voyageur, celle à laquelle même les plus sédentaires d’entre nous appartiennent.

Avec ce parcours parallèle, Petit Mops se domestique en quelque sorte. Il comprend la famille des vivants, il comprend la demeure monde.
En une belle cohérence, l’ultime image le montre partir en laissant des traces, c’est-à-dire une histoire personnelle qui peut débuter, ici, loin de ce regard des lecteurs/lectrices désormais face à eux-mêmes, mis en enfance quel que soit leur âge dans cette page, puisque cet horizon dessiné nous est alors inaccessible, (re)devient nôtre avec ses possibles ou hypothèses qui nous appartiennent.

C’est sous la forme d’une intégrale que les éditions du Rouergue proposent ces histoires d’Elzbieta datant de 1972 et jusque-là inédites en France. D’un format et d’un façonnage remarquable, ce livre révèle un personnage à l’étrangeté attachante qui n’a pas pris une ride, portant son regard neuf sur un monde délinéé avec légèreté, musicalité pourrait-on dire, dont il s’agit de s’imprégner pour lui donner du sens. Une belle œuvre comme un tour d’horizon, à la fois sur le passé de cette grande dame qu’est l’auteure, et sur l’avenir hôte où un simple trait devient moins une limite lointaine qu’une perspective accessible.

Notes

  1. Les deux dernières aventures ont clairement le mot «été» et «automne» respectivement dans leur sous-titre et titre.
  2. «Un jour à la plage», avec en sous-titre «L’œuf».
  3. «Le mystère des bottines», avec en sous-titre «Ici et là.
  4. «Petit Mops et la Lune», avec en sous-titre «Devinettes d’été».
  5. «L’automne», avec en sous-titre «Le temps des départs».
  6. Ici une transfiguration (en beauté), puisque la chenille devient papillon.
  7. La lune si proche de l’horizon et pourtant inaccessible du sommet d’une montagne ; son reflet tenant dans une flaque d’eau mais restant insaisissable quand on y porte les mains, etc.
Site officiel de Le Rouergue
Chroniqué par en juin 2009