Schizo

de

Il est assez difficile de parler du comic d’Yvan Brunetti.

Je pourrais vous décrire la couverture du n°2. C’est une petite scène assez représentative : Une mère boit du poison pendant que son nourrisson tète un revolver ; Un homme se tranche les veines avec une lame de rasoir ; Un gamin est en train de faire une overdose ; au loin, les fenêtres montrent des pendus pendant que certains se jettent du haut des toits. Et, dans un coin, un panneau publicitaire : « Every day is a good day to die »
Schizo est donc désespéré, mais dans une telle surenchère (volontaire) que c’en est drôle.

Je pourrais vous décrire un strip qui résume l’ironie (cynique) de Schizo. Son titre est : Ain’t it the fuckin’ truth ? On y voit une sorte de beatnik, habillé en noir, avec un bouc et un béret, très « artiste », quoi … Il marmonne son credo : « I wanna die ! I wanna die ! » Jusqu’a ce qu’un bandit le braque avec un révolver : « Please, don’t kill me. »

Je pourrais aussi décrire l’un des déballages du n°1 : Hrrlfk ! 1784 things that make me vomit. (Il y a, bien sûr, lui-même !)
Je pourrais parler de misanthropie, de nihilisme, d’aigreur, de pleurnichage, d’humour noir. Mais aussi de dénigrement, de dégoût de soi-même, d’anxiété maladive, de pessimisme.

Je pourrais parler du dessin. Brunetti fait preuve d’une incroyable virtuosité. Il change de style sans cesse ou imite ceux des autres… Je pourrais parler de beaucoup de choses, et pourtant, il n’y a eu que trois numéros de Schizo !

Disons qu’on y trouve, en gros, deux choses : Un journal autobiographique dont le titre est Auto-caricature et des parodies de strips, détournés vers un humour morbide et sexuel.
Le journal est la partie la plus importante et la plus intéressante. Le premier chapitre s’appelle : Why every single person in the entire world could be instantaneously obliterated from the face of the planet and I wouldn’t turn to look, even if there were a loud noise -or- I hate you. I hate you all !
Si vous croyez avoir tout vu dans l’autobiographie et pensez que Joe Matt est au paroxysme de l’autodénigrement, attendez-vous à tomber de haut !

Schizo est un comic excessif qui ne plaira pas à certains et en révulsera d’autres. « Trop c’est trop, c’en est pénible » m’a-t-on dit.
Reste que Brunetti, bien qu’il soit inégal, est sans nul doute un auteur important.
Le courrier des lecteurs du deuxième numéro est, en ce sens plutôt impressionnant : R.Crumb, Dan Clowes, P.Bagge, J.Doucet, A.Tomine, C.Ware, J.Matt, Seth, C.Brown, A.Spiegelman, D.Mazzucchelli …

Chroniqué par en juin 1998