Weasel (#1)
Dave Cooper a un trait très reconnaissable. Dans son comic (Pressed Tongue) comme dans ses autres recueils (Suckle), il a posé et perfectionné ses hachures milimétrées, son tremblé charnel, et ses récits à la fois glauques et précis. Weasel garde tous ces acquis, mais Cooper y explore de nouvelles techniques, et laisse libre cours à son imagination graphique.
Les premières planches racontent la soirée passée avec un spécimen de modèle féminin adipeux et stupide : Cooper donne à voir en parallèle la graisse tremblotante de la fille et l’excitation irrépressible du dessinateur. Ce qui pourrait n’être qu’une nouvelle introspection impudique devient rapidement une descente aux enfers minutieusement orchestrée.
On est là dans le même monde que chez Joe Matt ou Chester Brown, mais le style de Cooper affirme une singularité absolue, avec son mélange de lignes évidentes et de hachures surajoutées, les secondes venant sans cesse fragiliser les représentations trop assurées des premières.
Puis viennent trois planches de l’Encyclopedia nonsensica : cette fois-ci, les hachures tremblantes ont laissé place à un dessin végétal, riche de détail et d’alvéoles, plein de relief et de volume. Les plantes fabuleuses de l’encyclopedia sont abondamment décortiquées par trois pages de textes explicatifs rigoureusement incompréhensible, puisque Cooper a poussé le vice jusqu’à inventer une écriture complète : trois planches, donc, qui raviront les lecteurs de Borgès, et qui semblent tombées de l’espace.
Ensuite, Cooper laisse la place à Patrick McEown, qui livre avec No Escape un étonnant récit de dix planches — mais on devrait plutôt dire : un étonnant récit de quatre étages, puisqu’en réalité les pages ne se lisent pas linéairement mais verticalement : chaque bande correspond à un étage dans l’immeuble où toute l’action se déroule, et les personnages qui se poursuivent et se fuient dans le dédale des cases ne se sentent absolument pas obligés de suivre un ordre quelconque.
La lisibilité du résultat n’est pas maximale, mais l’inventivité est frappante (Fred avait déjà utilisé ce genre de liberté de construction dans Philémon, et Benoît Peeters analyse le procédé dans Case, Planche, Récit : avec No Escape, son analyse trouverait un nouvel os graphique à ronger).
Enfin Cooper boucle le premier numéro de Weasel avec un récit onirique et déroutant dans lequel on retrouve son dessin quasiment « intestinal » (non, je n’exagère pas, ce type a toujours l’air d’être en train de dessiner des boyaux).
Le tout est somptueusement emballé dans une couverture glacée quadri à la maquette impeccablement hype, surtout la quatrième de couv, qui prouve que Cooper n’est pas seulement dessinateur, mais qu’il accorde également la dernière importance à la mise en forme de son travail — et, là, il faut reconnaître qu’il a trouvé avec les éditeurs de Fantagraphics une aide compétente et efficace.
Bref, j’adore Weasel, mais ça s’est vu, non ?
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