La librairie spécialisée en bandes dessinées

de

Les premières librairies spécialisées en bandes dessinées en France sont celles des éditeurs des grands hebdomadaires d’après-guerre : Spirou, Tintin puis Pilote, ce dernier arrivant plus tardivement à la fin des années 50. Elles se situent généralement dans les immeubles de ces maisons d’édition, respectivement Dupuis, Le Lombard et Dargaud. On y trouve les anciens numéros de leurs revues, des reliures pour celles-ci, les recueils trimestriels, les albums, mais aussi des objets dérivés, le plus souvent des jouets ou des jeux puisque le public d’amateurs est constitué à l’époque exclusivement par les franges les plus jeunes de la population.

Ces boutiques d’éditeurs sont généralement l’objet de publicités dans les pages de leurs hebdomadaires, pour signaler des nouveautés, la possibilité de commandes par correspondance, voire d’éventuels déménagements. La boutique Tintin s’est ainsi d’abord trouvée au 41, rue Chaussée-d’Antin dans les années 50, puis au 31 rue du Louvre à partir des années 60. Celle de Dargaud était elle aussi située rue de la Chaussée-d’Antin, au 60, avant de déménager plus tard rue Dupin et finir rue Saint-Placide dans les années 70.

La plus connue, mais aussi la plus « sédentaire », était celle de Dupuis, sise au 84, boulevard Saint-Germain, et qui a appartenu à cet éditeur jusque dans les années 80. C’est aussi à notre connaissance la première librairie spécialisée en bande dessinée représentée dans une bande dessinée. En effet, dans le numéro de Spirou daté du 16 août 1964, le dessinateur Piroton commence une nouvelle aventure des ses personnages Michel et Thierry intitulée « Mylène et ses carats » par une séance de dédicaces dans cette librairie. On y voit une foule de jeunes amateurs se presser devant la devanture pour aller à la rencontre des dessinateurs Franquin, Roba, Peyo et Morris, auteurs respectifs à cette époque de Spirou, Boule et Bill, Johan et Pirlouit et Lucky Luke… Ce récit montre aussi une librairie qui, sous cet aspect, venait d’être inaugurée un an plus tôt. Il n’est pas invraisemblable que ce clin d’œil ait pu être un moyen de vanter cette vitrine parisienne modernisée. Mais elle peut aussi témoigner de l’impact de l’éditeur belge sur les amateurs comme sur les dessinateurs qui se retrouvent de facto dans un lieu où ils sont — peut-être pour la première fois — des auteurs comme les autres, et non plus seulement des animateurs de stands d’éditeur ou de revue lors de quelconques salons jeunesse. En ce début des années 60, ce document montre, d’une certaine manière, cette prise de conscience grandissante de la valeur de la bande dessinée et de ceux qui la réalise.

Dossier de en septembre 2017