Blame !

de

Face à l’arsenal des aventures cyberpunks proprettes en provenance du Japon, avec Masamune Shirow en tête de file, on avait accueilli le Gunnm de Kishiro Yukito comme une bouffée d’oxygène — un oxygène vicié, maladif et lourd de désespoir, où les habituels robots transformables et glamours étaient remplacés par des cyborgs à moitié fous, s’affrontant dans une lutte impitoyable pour la survie.

Avec Blame !, Nihei Tsutomu nous propose de refaire un nouveau voyage en atmosphère confinée, dans un monde sombre et désespéré où il n’y a pas de héros — il y a ceux qui survivent, et les autres. Il y a là des architectures délirantes dignes de Piranese parsemées de factions qui se disputent la possession de quelques blocs de béton, des robots d’entretien qui sont autant de pièges mortels, une cité flottante qui semble ne pas avoir de fin, le tout baignant dans une ambiance étrange et désolée qui n’est pas sans rappeler L’Homme dans le Labyrinthe de Philip K. Dick.

Dans un graphisme empruntant à Kishiro Yukito et aux visions démentes de Giger, on découvre un univers grandiloquent en ruine, vestiges d’une grandeur en décomposition lente qui ne demande qu’à s’effondrer.
Personnage principal énigmatique et solitaire, Killy rêve d’atteindre le sommet, sans doute pour comprendre — Killy monte, mais ne cesse de redescendre, de tomber dans des puits sans fond, pour recommencer à nouveau.

Sombre, violent et silencieux, Blame ! nous entraîne dans une histoire sans véritable but, une narration labyrintique dont on ne sait si elle aura une issue. Mais comme pour les oeuvres de Piranese, on ne cesse d’y revenir et de s’y perdre, fasciné.

Site officiel de Glénat (Manga)
Chroniqué par en juin 1999