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Décris-Ravage, premier épisode : décrire l’Égypte, ravager la Palestine

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Initialement, un projet théâtral d’Adeline Rosenstein, « spectacle documentaire » consacré à la tragédie palestinienne dont le parti pris scénographique consiste à ne pas montrer les choses pour mieux les suggérer : « Décris-Ravage ressemble à une conférence « Powerpoint » où les diapositives ont été remplacées par des boules de papier mouillées qui s’écrasent sur le mur. Le défi de se passer d’iconographie est de créer un langage théâtral intelligible et supportable à la fois qui ne fige ni la Palestine, ni Israël, ni dans ses cartes postales, ni dans ses photos de guerre révoltantes. »

Nul mieux que Baladi sans doute pouvait rendre ce projet en bande dessinée, lui dont le travail cultive en permanence le champ et le hors-cadre, le figuratif et l’abstrait. Il ne dessine pas des boulettes de papier et en ce sens, donne certainement plus à voir que le spectacle d’origine, mais son trait noir, parfois dense, parfois perdu dans une masse de blanc, agit telle une amorce cognitive. En invitant ses lecteurs à prolonger ses ébauches de représentation, il utilise le dessin comme adjuvant à la réflexion, à l’appropriation du sujet.

Décris-Ravage s’articule autour de la campagne d’Égypte, des enjeux coloniaux et géostratégiques à l’aube du XIXe siècle. Les témoignages d’artistes européens racontant leur expérience personnelle du territoire viennent ponctuer le récit. L’organisation narrative peut déconcerter mais ce premier tome annonce une œuvre puissante. « Lorsque des pages sont brusquement couvertes par le vacarme des questions que se pose un lecteur ébranlé, on est en présence d’un événement en bande dessinée. »

[Texte initialement publié sur le site de l’excellente librairie Contrebandes, à Toulon]

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Chroniqué par en décembre 2016