Gribouillis

de

Si Gribouillis est la suite de Petit trait, c’est parce que d’un petit trait on peut faire n’importe quoi. Comme la silhouette d’une porte flottant dans l’espace par exemple, et qui ouvrirait non pas sur l’obscure infini en quatre dimensions (4D) mais sur celui en 2D et immaculé d’une feuille de papier où tout se dessine.
Un petit trait d’union donc, qui divise par deux les dimensions et réunis deux parties. Qui est l’accès d’un monde à l’autre, où il s’agira de mettre à plat tout en convoquant quatre pupilles de deux regards : l’un qui dessine, l’autre qui lit. Comme cet entre-deux est aussi distance variable, le trait
s’allonge, dessine, il met ce temps en tout sens[1] dans cette 2D qui l’oublie comme dimension mais le fait parcours, trajet.

Zone crépusculaire à parcourir,[2] pour une courte distance entre deux dimensions, qu’elles
soient univers,[3] abscisses ou ordonnées, deux personnes[4] ou bien deux personnages. Car oui, tout cela est imaginaire mais bien concret.[5] Ce Gribouillis parle de deux sœurs, et le petit trait d’union est ce lien filial entre elles si différentes puisque l’une aime les lignes horizontales, l’autre les verticales,[6]

Deux D donc pour deux A (Armelle et Adrienne) qui reviennent de vacances et qui doivent faire douter du réel un monde trop crédule. Oui, l’abstraction de ce concret est là. Comme dans une vielle série célèbre cela commence «le long d’une route de campagne» etc. et cela fait que l’on arrête la voiture pour constater l’étrange objet volant non identifié aux allures d’un nuage au trait, peut-être trop au trait.[7]

«Quel mélange ! quel Gribouillis ! » vous direz-vous in petto. «C’est diabolique !» ajouterez-vous.
C’est vrai que gribouillis viendrait de diable, que Rabelais en aurait nommé un ainsi et que pour continuer dans la distance la voiture dans laquelle roule les deux sœurs est une DS. Alors la question serait à quoi bon ces petit traits à la fois démoniaques et divins si entremêlés ? Pour le point d’interrogation justement. De ce point qui interroge vers des traits qui posent questions.
Pourquoi l’une des sœurs porte ce que les populistes en Suisse et ailleurs qualifient méchamment de «voile islamiste» ? Pourquoi cette différence entre deux sœurs ? Pourquoi cette richesse d’analyse entre elles ? Pourquoi cet O.V.N.I. ? Les envahisseurs qu’il contiendrait disent quoi de
notre présent ? La science-fiction avec son trait d’union est-elle encore un trait d’esprit ?

Le mot gribouillis viendrait aussi d’agripper, saisir. D’un petit trait, d’où tout commence d’où tout se termine dans ce monde 2D, Baladi fait qu’il délinéamente. Fait qu’il tisse en texte et en image un fil noir de
l’écheveau en 4D qui fait le réel d’aujourd’hui. Il saisit, s’empare, met à plat bien des choses pétries d’imaginaire, soulignant ce problème du trop vouloir plier le réel à l’imaginaire.
C’est aussi pour cette raison qu’un Gribouillis sera toujours plus libérateur. Se sachant forcément insignifiant, il sera toujours entre le «d’après nature»[8] et cet informe gordien propice à
l’imagination. Un double aspect, pour une sorte de lucidité du regard.

Notes

  1. Le temps de faire, le temps de lire.
  2. Baladi fait clairement référence à Twilight Zone, soit la série ayant pour titre en français : La quatrième dimension. Notons que l’accroche en anglais de cette série parlait elle de… cinquième dimension.
  3. Le monde réel 4D et celui imaginaire 2D.
  4. Auteur et lecteur.
  5. C’est à dire pas abstrait puisque l’on qualifie ainsi Petit trait.
  6. L’une plutôt ordonnée, l’autre plutôt abscisse. L’une met-elle en
    ordre, l’autre brise-t-elle ? Coupe-t-elle ? Vous le saurez en tournant les pages de ce livre, en rentrant dans «…la deuxième dimension» !
  7. Un entre-deux séries cette fois : Twilight Zone et Les envahisseurs.
  8. Ne la précédant pas.
Site officiel de L'Association
Chroniqué par en février 2011