Le fils du roi
Il y a ce passage obligé pour traverser et, sortant d’un intérieur familier, ce fil/cordon de l’existence qui vous précède. Dans l’un la trame s’y clarifie faussement, s’ajourne, fait discerner ; dans l’autre elle est absente, canalisant et dévoilant l’énergie support, aveuglante, à vif, originelle et essentielle.
Il y a aussi cette coquille, cette conque forteresse et labyrinthe, matérialisant une spirale, un cheminement craintif où l’on s’éloigne d’un axe sans s’en dégager, désormais lointain, devenu invisible et pourtant à l’attraction déterminante.
Et puis, au hasard du prononcé, le géniteur laisse entendre et les mots rappellent leurs forces au fils, deviennent les maux «chez moi», font un je à voir.
Comment voir ? Par ce vide faisant support et devenant lumière, la surface d’où tout se trame en bleu et noir à l’encre de l’écriture de soi. Démêler les fils, retirer des épaisseurs de quadrillages, découvrir où cela se cache, sur quoi cela repose, d’où découle ce qui liquéfie l’assise, y crée l’onde circulaire des émotions soudaines et instantanées. Un regard en négatif, en plein dans un monde creux, plongeant dans ce qui entend autant que dans ce qui a été faussement l’entendu.
Interrogeant sa condition, la pupille se porte sur le foyer, l’intérieur à la fois urbain et vil «il» (ville), tissu commun fait de certitudes trompeuses, négociées, de parcours hasardeux et d’autres présences vues. L’interne, l’externe, l’identité, le désir, se découvrent et se confrontent, font résonance, distendent les trames un instant, y portent in fine les motifs sombres du reconnu illusoire. Peut-être le roi de/des est-ce lui aussi, bien plus projeté que projectif sur la fragile maille existentielle qu’agite l’aquilon du trouble.
Hachures, hacher, rayures, rayer, l’auteur se fait peut-être violence et s’empare de la condition d’un dessin qui serait moins le trait que la surface. Filigraner plutôt que dessiner, s’y montrer paradoxalement par le sombre plutôt qu’en transparence, et au rets d’images accolées propre à la neuvième chose s’ajoute ceux des images d’ici (du ça), réseaux de traits où tout se distinguerait sur un jeu de densité et de bleu nuancé[1]. Enchevêtrement de traits faisant trame, superposition de trames faisant motif et visions intérieures à fleur de peau (tissu cellulaire), images verbes dans l’épaisseur et en deçà de celle-ci, traduites dans la matérialité et l’exception d’un livre et d’une technique.
Obliques ou rectiligne, la trame est l’écran et l’habit, l’illusion et le maintien, un rapport à la lumière dans ce qu’elle en renvoie ou laisse passer. Le fils du roi serait comme un jeu de filtres ou de caches translucides, l’impression d’une sérigraphie de l’intime déterminant des images filtrats mentaux[2].
Notes
- Un bleu entre l’électrique et l’ecchymose, entre mélancolie et crépuscule.
- Sérigraphie, littéralement écriture par la soie, le tissu dont on fait les caches de différentes couleurs. Ici, certes une impression plus classique, mais «4 couleurs pantone» et un seul tissu : «le soi». Pour en savoir plus bel entretien avec l’auteur ici.
Super contenu ! Continuez votre bon travail!