#TourDeMarché

de

(note : cette rubrique reproduit sous forme d’article à fin d’archivage des fils thématiques publiés au départ sur Twitter)

Petit rab’ de #TourDeMarché, pour réagir rapidement à l’actualité, et cette news qui est tombée le 28 juin : Antoine Dole (aka Mr Tan) et Diane Le Feyer créent leur propre structure d’édition pour publier Mortelle Adèle à partir de 2023. Bayard conserverait l’exploitation de la série jusqu’au tome 19 (à paraître en octobre). Pour ceux qui ne suivraient absolument pas l’actualité du livre, Mortelle Adèle est un véritable phénomène éditorial qui a vendu plus de 11 millions d’exemplaires en dix ans d’existence.

Forcément, c’est le genre d’information qui secoue un peu… et de souligner comment les temps changent, et qu’avec l’évolution de notre société ou du marché (au choix), les auteurs pourraient bientôt se passer des éditeurs. Sauf que.
Sauf qu’en 1979, Albert Uderzo décide de quitter Dargaud pour fonder les éditions Albert René pour y publier Astérix, à compter du Grand Fossé, 25e album de la série.
Sauf qu’en 1979, Jean Tabary (Iznogoud, Corinne et Jeannot, Totoche, etc.) décide de fonder les éditions Tabary pour y publier ses propres albums.
Sauf qu’en 1981, Jean Graton (auteur de Michel Vaillant) décide de fonder Graton Editeur pour y publier ses propres albums.
Sauf qu’en 1986, Jean-François Moyersoen fonde, pour son ami André Franquin, Marsu Productions pour y publier les aventures du Marsupilami. de plus, la société rachète à Franquin les droits de Gaston Lagaffe en 1993.
Sauf qu’en 2010, Midam quitte Dupuis et fonde (avec Adam, Dimitri Kennes et Netch), les éditions MAD Fabrik, pour y publier ses propres albums.
Sauf qu’en 2021, Riad Sattouf annonce qu’il fonde Les Livres du futur, maison d’édition qui va publier son prochain livre, Le Jeune Acteur.

Ce que je veux souligner par là, c’est que cette démarche n’a rien de nouveau, et que l’on peut au contraire y voir une forme d’évolution naturelle du rapport des forces, face à un auteur (ou une marque) devenu(e) incontournable (à ce sujet, on lira avec intérêt cet article détaillant le « transfert » de Guillaume Musso, quittant XO pour Calmann-Lévy à la manière d’un footballer professionnel). Au passage, on est très loin à mon sens des auteurs auto-publiés qui font appel au « financement participatif » (ou « crowdfunding »), qui s’appuient avant tout sur une petite communauté très impliquée (j’avais d’ailleurs commenté à plusieurs reprises le succès de Laurel pour le financement de « Comme Convenu », et les spécificités de ce modèle). le financement participatif s’appuie sur des dynamiques assez proches de celles qu’a théorisé Kevin Kelly avec son essai « 1,000 true fans », que l’on retrouve aujourd’hui en application du côté des Youtubeurs.

Le cas Mortelle Adèle et tous ceux que j’ai pu évoquer plus haut se jouent à une autre échelle, puisqu’il s’agit de remplacer une maison d’édition par une autre (la sienne) pour assurer une exploitation commerciale plus intéressante pour le ou les auteurs en question. Bref, on est plus ou moins sur de l’optimisation industrielle. En comparaison, l’auteur qui s’auto-édite en financement participatif, c’est de l’artisanat.
Un certain nombre de ces structures dédiées ont d’ailleurs été rachetées par la suite, et il ne serait pas surprenant que cette opération a débouché sur des conditions plus favorables qu’auparavant pour l’auteur en question. Business is business.

(les éditions Albert René ont été rachetées par Hachette en 2008 (qui en prend le contrôle total en 2011), Dupuis prend le contrôle de Marsu Productions en 2013, Glénat rachète MAD Fabrik en 2014 et enfin Graton Editeur rejoint le giron de Dupuis en 2020)

Dossier de en juillet 2022