Killoffer

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On connait Trondheim, on connait Menu, mais Killoffer … eh ben on sait même pas trop qui c’est finalement, Hein ! ? Alors voilà grâce à du9 et à Jessie Bi (son serviteur), Killoffer (qui est vachement sympa) sera aussi connu que Trondheim et Menu réunis. Et Toc !

Jessie Bi : Avant L’Association tu faisais quoi ?

Killoffer : Ahhh ! J’ai oublié, je crois être né avec L’Association ! (rires) Avant L’Association je faisais la même chose mais en moins bien.

J.B. : Tu es un des fondateurs de L’Association ?

K. : Ouais. Ça c’est fait surtout par affinité personnelle plus qu’à cause de mon talent, parce que même au tout début de L’Association j’avais fait très peu de trucs. Menu ne connaissait quasiment pas mon travail puisque j’avais pratiquement rien fait. Et puis c’était pas encore très au point ce que je faisais … Je crois qu’on désirait à peu près la même chose, et qu’il y avait surtout une volonté commune …

J.B. : L’album que tu viens de faire réuni des bandes parues dans Fluide ?

K. : Non du tout, dans le Psikopat. J’avais été plus ou moins régulier pour le Psikopat.

J.B. : Mis à part La clef des champs, c’est ton premier album ?

K. : Oui.

J.B. : Tous tes projets sont pour L’Association ?

K. : Non, je dois aussi faire un projet avec Jean-Louis (l’éditeur Cornélius) et pour le Seuil.

J.B. : Dans la même collection que Trondheim, De Crécy, etc… ?

K. : Oui, c’est dans la même collection.

J.B. : Tu as deux styles vraiment très différents entre Billet S.V.P et La clef des champs par exemple.

K. : Oui. En fait j’en ai trois en gros. J’ai le style « contrôleur ». J’ai le style crayon, avec le calque superposé comme dans les bandes qu’on peut voir dans Lapin ou pour les illustrations. Un style un peu « Arty » entre guillemets. Puis il y a le style « Moebius » entre guillemets aussi.

J.B. : Et pourquoi quand tu fais des bandes muettes tu utilises le style « Moebius » entre guillemets aussi ?

K. : Sans doute parce que c’est le style « Moebius » entre guillemets aussi (rires). C’est vrai que je n’ai pas fait de bandes muettes avec un autre style. Quoique si dans les « contrôleurs » il y en a pas mal aussi. Enfin pas mal, il y en a quelques unes, en tout cas il y a très peu de textes … Je suis pas très textes. Je suis pas très bavard. Quoique non je dis ça mais en même temps dans Périphéries il y a une histoire avec beaucoup de textes. Soit on me dit qu’il y a trop de textes … soit on me dit qu’il y a vraiment que le dessin, que je suis un illustrateur, que je ne devrais pas faire de BD … Non ça on me le dit pas mais je le vois bien … (rires) Je dis ça parce que c’est peut être quelque chose que je ressent. J’ai un problème au niveau de l’équilibre dessin et narration. J’ai une tendance à regarder mes beaux dessins … J’essaie de faire toujours très attention, à ce que le dessin soit toujours au service de la narration, mais des fois je me laisse aller. Pourtant même dans cette histoire dans Périphéries où il y a des pavés de textes, on a trouvé le moyen de me dire que j’étais avant tout un illustrateur.

J.B. : On pense que t’es illustrateur peut être parce qu’on te connais plus comme illustrateur, comme dans Libé par exemple ?

K. : Non je ne pense pas. C’est parce que dans mes bandes dessinées il y a un joli dessin. C’est vrai qu’en faite la bande dessinée ça peut se passer du dessin. Vois Lewis, quelqu’un qui au départ ne savait pas dessiner et qui a beaucoup de succès. La bande dessinée ne demande pas à avoir de beaux dessins. On peut très bien s’en passer. Si tu prends un très bon scénario et si tu l’illustres une fois de façon très simple et une autre de façon beaucoup plus illustrative, et bien la narration sera beaucoup plus mise en valeur avec le dessin très simple … Le beau dessin n’est a priori pas fait pour la bande dessinée …

J.B. : Pourquoi tu fais des bandes dessinée entièrement muettes ? Par souci d’universalité ?

K. : Non au départ c’était surtout pas mon problème … surtout avec La clef des champs … Comme ça pas de problèmes de traduction ! J’y ai pensé dans l’histoire qui était dans Lapin n°9, car elle a d’abord été éditée au Japon. Donc là j’y ai pensé. Mais sinon c’est parce que j’aime bien ce type de narration … C’est peut être justement du à ma recherche de faire un dessin qui est au service de la narration. C’est quelque chose qui me manque un peu, si je me laisse aller je dessine. Je raconte peu. Alors là s’il y a pas de textes pour raconter une histoire, il faut que tout passe par le dessin et donc il faut bien travailler.

Sylvie (qui dans un coin écoutait attentivement) : Est-ce que c’est pas aussi pour laisser une place à l’imaginaire du lecteur ?

K. : Oui aussi, c’est quelque chose qui me plaît aussi. C’est vrai que le champ est plus ouvert.

J.B. : En même temps est-ce que ce n’est pas une limite dans ta narration ?

K. : Non, je ne pense pas, je ne ressent pas du tout ça comme ça. Quand on conçoit une bande dessinée on la conçoit dans sa totalité. Si je conçois une bande dessinée qui n’a pas besoin de texte et bien c’est qu’elle n’en n’a pas besoin. Je l’aurais conçu comme ça. Et puis j’ai l’impression qu’on peut tout raconter dans une bande dessinée sans textes. Sauf effectivement si l’on commence à avoir des discussions philosophiques en bande dessinée, là on peut difficilement se passer de textes. Quoique même là on pourrait mettre en scène des situations remplaçant le texte …

J.B. : Tu n’es pas tenté par le dessin dans une bulle comme Fabio ?

K. : Non parce que je trouve que ça revient à faire du texte. C’est du hiéroglyphe, de l’idéogramme, c’est la même chose quoi.Il y a quelqu’un qui fait beaucoup ça aussi c’est Cartier. Il a poussé pas mal cette technique là, et des fois c’est encore plus incompréhensible, c’est presque du rébus. C’est un truc qui ne me tente pas du tout.

J.B. : Ton projet pour le Seuil, c’est muet aussi ?

K. : Non.

J.B. : Mais tu n’avais pas un autre projet un peu comme la clef des champs ?

K. : Si l’histoire qu’il y a dans Lapin n°9, j’aimerais bien en faire un album.

J.B. : Tu n’es pas limité dans le nombre de pages ?

K. : Non, mais … enfin j’ai fait assez peu de longues histoires.

J.B. : Je demande ça car souvent dans la bande dessinée muette il y a une espèce de limite à une trentaine de pages, à part La mouche de Trondheim qui fait exception ?

K. : Justement j’aimerais bien faire un gros album comme ça.

J.B. : Que penses-tu de l’évolution de L’Association ?

K. : Ben moi j’ai trouvé assez rapidement que ça tournait en rond, mais bon c’est pas l’avis des autres. On est quand même six à L’Association. On ne peut pas espérer que L’Association soit comme on le désire individuellement, forcément.

J.B. : Que devient l’OuBaPo ?

K. : En ce moment c’est en sommeil.

J.B. : Tu es un des seuls à avoir montré ce que pourrait être L’OuBaPo, puisque tu en as publié un exemple dans un des Rab de Lapin.

K. : Je suis pas le seul, y’a plein d’autres trucs, mais qui n’ont pas été édités, c’est vrai.

J.B. : Tu as des projets dans cette veine ?

K. : Oui j’ai un projet depuis un bout de temps déjà, mais c’est très compliqué à mettre sur pied. Avec des lois mathématiques et tout et tout … Une sorte de casse-tête, dans lequel je mettais enfermé quelques semaines. J’ai jamais réussi à en faire quelque chose mais je n’ai pas abandonné totalement le projet.

J.B. : Qu’allez-vous prendre en compte pour faire des bandes dessinées OuBaPo ?

K. : Tout justement, le rapport image/texte etc … pour permettre de faire ressortir la spécificité du médium bande dessinée. Utiliser toutes les possibilités : la case, la planche, l’album, etc … C’est un gros chantier.

J.B. : Tu n’es pas tenté par l’autobiographie comme Menu ou Trondheim ?

K. : Non pas du tout. Puis faut dire qu’en ce moment c’est une telle déferlante. Et puis en plus ils font ça tellement bien. J’ai déjà été tenté, mais je ne vois pas ce que je pourrais apporter de plus que les autres. Et puis je ne suis pas porté sur le déballage, comme ça. Bien que je trouve ça très bien chez les autres. A un moment, j’avais été tenté pour parler de Menu ou Lewis. Souvent ils parlent de situations que j’ai vécu avec eux et j’aimerais bien rétablir ma vision à moi ! Mais ça s’arrête là.

J.B. : Dans Billet S.V.P. l’introduction est autobiographique, puisque tu parles de l’aide de Trondheim.

K. : Ah oui c’est vrai. Enfin bon, là c’est spécial puisqu’il manquait deux pages et puis c’était pour faire une introduction. D’ailleurs c’est pas mes deux meilleur pages … Je sais pas si c’était vraiment utile de faire ça. La deuxième histoire de l’album aurait fait une très bonne introduction, le dialogue n’est que « bonjour messieurs dames, billets S.V.P. » etc … Moi je voyais ça comme ça.

J.B. : Tu travailles toujours pour le Psikopat ?

K. : J’aimerais bien mais là il n’y a rien qui vient. En fait pour travailler pour le Psikopat j’étais pas trop pour au départ, j’étais pas très porté vers l’humour … à l’époque je faisais de la bande dessinée depuis pas très longtemps, alors c’était un peu une espèce de défi que je m’étais lancé. Est-ce que je peux faire rire ? Je fonctionne un peu comme ça. Il faut que je fasse mes preuves à moi-même avant de passer à autre chose. Donc commencer classiquement par faire rire les gens, puisque la bande dessinée c’est d’abord ça, enfin ça a une image comme ça. Donc est-ce que je peux être assez classique, est-ce que je peux m’imposer des contraintes et est-ce que je peux m’en sortir.

J.B. : Je trouve que tes bandes sont plus oniriques que drôles, un peu à la Fred.

K. : Oui je suis pas très porté vers l’humour, gag … Bien qu’il y ait quelques pages assez gagesques … Mais plus ça allait moins c’était drôle. Ce qu’il y a de bien avec le Psikopat c’est qu’il faut finir tous les mois, donc ça impose un rythme. Bien que je ne l’ai pas toujours respecté … j’ai fait ce j’ai pu.

J.B. : Et avec Libération ? Ils te donnent un thème ?

K. : Ah oui Libération c’est de l’illustration-illustration ! Il y a un article à illustrer, y’a pas de problèmes. Ce qui est bien dans l’illustration c’est de trouver des idées qui fonctionnent bien graphiquement. C’est ça que j’aime bien faire en illustration.

J.B. : Quelles sont tes influences en bande dessinée ?

K. : je vais pas commencer à donner des noms j’en oublierais forcément.

J.B. : Dans tes illustrations je trouve qu’il y a un côté Mattotti parfois.

K. : Non je ne trouve pas. Et puis je ne suis pas un fan de Mattotti.

J.B. : Ton travail de la couleur me faisait penser à ça.

K. : En même temps j’aime bien ce que fait Mattotti, mais ca reste objectif. C’est peut être trop beau. Je trouve ça objectivement très beau, même si ce n’est pas un truc qui m’émeut beaucoup. J’ai eu comme prof Got et je crois qu’il m’a influencé. Il est assez rentre-dedans comme prof. J’avais l’impression qu’il me prenait pour un petit con. Mais en même temps ça m’a fait réfléchir sur ce que je faisais. Il y a eu Pichard aussi comme prof. Mais lui il m’a pas vraiment influencé. Il donnait de bon conseils, mais dans l’univers qu’il avait il ne m’a pas influencé. Sinon les gens que j’ai beaucoup aimé c’est … On va dire Moebius, c’est évident … puis c’est tous les gens qui sont sortis de Pilote : Tardi, Fred … et puis aussi les gens d’Harakiri, des gens comme Gébé, ou Willem aussi. J’ai même eu une période ou je trouvais que Gébé c’était parfait, que c’est ce qu’il fallait faire en bande dessinée. Mais pas graphiquement car c’est un peu austère …

J.B. : Lis-tu beaucoup de bandes dessinées ?

K. : Non non. J’ai aucune culture bande dessinée. Si je vois une bande dessinée et que j’ai pas au départ hyper envie de la lire et bien je fais pas l’effort. C’est pas la bande dessinée qui m’intéresse en tant que tel, mais c’est les auteurs c’est tout.

L’actualité de Killoffer auteur de bande dessinée, est sa présence régulière dans Lapin et son album Billet S.V.P. édité par L’Association. Cet album n’est pas de la private joke pour adepte de la carte orange. Même toi qui conduis un diesel qui pue et qui pollue tu apprécieras ce livre, car belles images et poésie tu y côtoieras, et enchanté tu seras. L’OuPus 1 de l’OuBaPo est sorti en Janvier 1997. Killoffer a visiblement changé d’avis par rapport à l’autobiographie à en croire Lapin n°14 & 15.

Entretien par en janvier 1996