Extrait de "De mon chien comme preuve irréfutable de l’inexistence d’un Dieu omniprésent"
De mon chien comme preuve irréfutable de l’inexistence d’un Dieu omniprésent
On le sait, Dieu aurait créé l’homme à son image. Mais on dit aussi «tel maître, tel chien». Les questions sont alors : si Dieu est le maître de l’homme, l’homme est-il un chien ? Et si oui, quelle serait alors l’image de Dieu ?
D’abord, définition de l’animal : Le chien est un nez avec des trucs autour (gueule, yeux, oreilles, papattes, anus éloquent, méat urinaire ultraperformant, etc.).
La bande dessinée l’a vite compris et en fit le nom de deux des plus célèbres chiens de son histoire : Pif et Snoopy. Dans le premier cas l’organe est clairement désigné ; dans le second, il s’agit plutôt de cet usage particulier consistant à le mettre partout et surtout dans l’endroit exactement opposé au sus-évoqué appendice de tout autre canidé. Certes, le beagle qui donna son nom à celui de papier devait avoir un comportement autrement diamétralement opposé. On le sait, l’un tape à la machine à écrire et peut se prendre pour le baron rouge sur le toit de sa niche, pour l’autre, aller chercher la baballe était déjà une preuve de la haute complexité du monde. Le chien de Charlie Brown avait du nez mais pour autre chose dont on s’enchante encore.
Et Dieu dans tout ça ? Manu Larcenet doute d’un Dieu omniprésent en observant son animal domestique.[1] Ce qui est le plus frappant dans le titre de son livre, c’est moins sa longueur exceptionnelle d’une dizaine de mots, que le fait qu’il peut suggérer qu’un Dieu absent, parti fumer des pets, boire un coup, jouer au jeux vidéos après avoir posé un de ses membres (préhensile) sur l’accoudoir du canapé, par exemple, est envisageable. Un Dieu omniprésent serait inexistant par ce qu’il n’a peut-être pas d’autres chats à fouetter. Existant, Il laisserait donc les chiens à d’autres, comme Larcenet par exemple, pour s’occuper des chats une bonne fois pour toutes.[2]
Mais c’est qui ce chien d’abord ? C’est un chien, c’est celui de Manu Larcenet. Il n’a pas de nom car la bande dessinée, ici, est muette. Mais qu’importe son nom après tout, celui-ci ne fixe que l’identité que son maître veut bien lui donner,[3] et ultimement en indique plus sur celui qui le donne que sur celui qui y répond quand on l’appelle pour aller faire sa pissette ou sa crocrotte.
Une vie de chien sans nom, c’est quoi ? D’abord dormir. Puis dormir encore un peu. Tout près de la baballe pour faire genre. Puis se bâfrer de croquettes, découvrir un peu le monde alentours, y répondre par un grognement dissuasif, y poser son chef-d’œuvre à la gestation difficile qui ne sent la rose que pour soi-même, se reproduire vainement avec le cousin, attaquer le coussin, avaler son vomi, trouver ça super bon, essayer de trouver une constance sociale à cause du cousin, dormir, dormir. Tout cela dans le désordre et entrecoupé d’ébrouements, de roulades et de grattages nécessaires mais pas désagréables finalement.
Mais il dort tout le temps l’animal ? Pas si sûr. Larcenet dessine un chien qui dort, mais ne remue jamais les papattes en plein sommeil. Soit il ne rêve pas, soit il reste attentif, aux aguets non pas des yeux et des oreilles mais de son nez gros comme un gyrophare ou celui d’un clown, ou soit l’auteur dessine les rêves du chien plutôt que le chien rêvant. Dans cette ultime possibilité, nous voyons le rêve du chien qui, par exemple, se lève pour partir fumer des pets, boire un coup, jouer aux jeux vidéos après avoir frotté son membre (non préhensile) sur l’accoudoir du canapé.
Ne serait-ce pas un programme divin de rêve si l’on suit l’hypothèse d’un Dieu existant souvent absent ? Quasiment, oui. Mais l’épisode de l’accoudoir le rapproche trop de l’humanité pour l’éloigner de Dieu trop monadique pour se sentir mâle ou femelle. Donc ce chien ne prouve pas l’existence de Dieu, même en rêve. Est-il pour autant tel que son domestique de maître ? Peut-être, s’il imite son maître comme un singe. Chose peu probable, sachant qu’en plus Larcenet est humain comme ce n’est pas permis, au point de saisir l’animal dans ses moindres gestes et attitudes avec une économie de moyens qui le rapproche, le tangente, des fulgurances à la Reiser. Les aventures de ce chien sont aussi un petit bijou de dessin, Larcenet trouve sa voie et devient chaque jour inimitable. Pour ce chien il est donc ni Dieu,[4] ni maître.[5]
Que Larcenet fasse la différence, soit. Reste celle entre le commun des hommes et le commun des chiens, quelle est-elle ? Facile, le chien peut nettoyer au moins les deux tiers de son anatomie avec la langue.
Notes
- Dans le sens où il partage son gîte. Les domestiques du chien domestique sont ses «propriétaires» comme on dit maintenant.
- Notons, Ami lecteur, lectrice mon amour, que Manu Larcenet, en ces temps où le chat semble obligatoire chez les dessinateurs de bande dessinée, a le courage de s’afficher avec un chien.
- Et ainsi reproduire le geste d’Adam chargé par Dieu de nommer les animaux du jardin d’Eden.
- Existant mais souvent absent.
- Car inimitable.
Super contenu ! Continuez votre bon travail!