Extrait de "Une aventure rocambolesque de Vincent Van Gogh : La Ligne de front"
Une aventure rocambolesque de Vincent Van Gogh : La Ligne de front
Comme l’indique le titre, le peintre Vincent Van Gogh se retrouve envoyé dans les tranchées de 14-18 pour peindre l’esprit de la guerre afin que les généraux restés à l’arrière comprennent pourquoi les soldats ne veulent pas aller se faire tuer au front.
Ne vous laissez pas troubler par le caractère anachronique de la situation de départ car, une fois la lecture entamée, il importe peu et permet à Larcenet de mettre en scène des thèmes qui lui sont chers : la condition d’artiste (déjà abordé dans L’artiste de la famille [1] ) et les militaires (également vu dans Presque [2] ). D’ailleurs, Vincent Van Gogh prend plusieurs fois des traits proches de Marco, le double de Larcenet dans Le Combat Ordinaire[3] , renforçant ainsi la projection de l’auteur dans le personnage principal.
Est-ce une réaction de survie pour encaisser les visions horrifiques de la bataille ? Est-ce pour compenser l’angoisse et la peur montante du général qui l’accompagne au front ? Pour moi, l’apaisement de Van Gogh s’explique par l’acceptation de sa propre condition mortelle devant l’omniprésence de la mort qui décime les troupes.
Dans l’oeuvre de tout artiste, il y a également un défi au temps qui passe et une volonté de dépasser sa mortalité. Côtoyer la mort du bout des doigts permet à Van Gogh de s’affranchir de sa peur. Les dernières pages le voient d’ailleurs plus contemplatif qu’actif comme si, en abandonnant ses pinceaux et ses toiles, il cessait de lutter contre son destin.
C’est d’ailleurs à ce moment-là, qu’il accède à cette nouvelle vision de la réalité annoncée à plusieurs reprises dans l’album (par exemple, planche 3 : [Le général] dit que « seul un artiste saura lui montrer la réalité cachée sous les apparences »). La souffrance qui accompagne cette nouvelle vision (sa première manifestation est consécutive à une raclée en règle) s’estompe peu à peu et c’est un Van Gogh délivré de toute douleur qui accède finalement à la réalité cachée sous les apparences dans une scène digne de Hayao Miyazaki [4] .
Au delà des thèmes abordés et de la réflexion sur l’art et la mort, il convient également d’étudier la façon dont Larcenet les met en forme dans le cadre d’une bande dessinée puisque c’est bien d’une BD dont il s’agit et non pas d’un film ou d’un roman. Hélas, du point de vue formel, l’album souffre d’une série d’écueils qui en gâche la lecture. Il ne s’agit pas de remettre en question le talent graphique de Larcenet — il est connu et reconnu — mais d’étudier son application au medium de la bande dessinée.
En particulier, la qualité du découpage est assez irrégulière. Il semble parfois bancal sans raison apparente avec par exemple, des ruptures étranges en milieu de page comme si la planche s’interrompait brusquement avant de reprendre dans la moitié inférieur. Certains décrochages de case sont également peu explicables et semblent plutôt relever de l’effet ou du «truc» plus que d’une intention particulière.
Au final, La ligne de Front est un bon album mais qui aurait gagné à être plus abouti. Ne vous méprenez pas, il figure parmi les meilleures sorties du mois de mars 2004 mais il comporte malgré tout un certain nombre de maladresses qui donnent l’impression que l’auteur s’est laissé emporter par son sujet au détriment de la forme.
Super contenu ! Continuez votre bon travail!