Correspondances
En marge de ses albums cartonnés chez Dargaud et la reconnaissance qui va avec, Manu Larcenet continue à faire vivre Les Rêveurs, petite structure qui avait vu paraître ses premiers essais noirs (Presque, Dallas Cowboy et autres On verra bien) et où, comme le dit le maître de céans sur son blog, «je fais ce que je veux».
Dont acte — comme peut en témoigner l’objet étrange qu’est ce Correspondances, petit livre carré composé à quatre mains, espace déclaré de liberté inconditionnelle en marge (ou à cause) du Retour à la terre, également signé du duo Ferri-Larcenet.
Ces dernières années, on a pu voir se multiplier les carnets de dessin d’auteurs, «scrapbooks» plus ou moins luxueux dans lesquels le lecteur avide d’explorer l’envers du décor découvre les esquisses et les études, les ébauches laborieuses et les moments de grâce — toutes ces recherches qui participent à la construction d’un univers graphique.
Ici, rien de tout cela — bien au contraire : pas de croquis fignolés avec application, mais des dessins jetés en quelques traits lâchés ; aucune ambition artistique, mais le plaisir gratuit de la déconnade entre copains ; pas d’expérimentation, juste la joie (simple, jubilatoire) d’utiliser un médium que les deux auteurs maîtrisent.
Car Correspondances est fait de chutes, de dessins faits en marge, de conversations délirantes par fax interposé, de tout un tas de choses qui auraient dû se retrouver à la poubelle si, au dernier moment, les auteurs ne s’étaient dit qu’il y avait peut-être là quelque chose à sauver.
Ceci étant, la maquette ne cherche pas à tromper sur la marchandise : pas une page qui n’ait été épargnée et qui ne porte les traînées noires caractéristiques du fax, pas un dessin qui cherche à renier son origine. On est ici dans l’impulsion, dans le direct, dans le «vite fait» et le «sans arrière-pensée».
Alors, peu importe si c’est parfois idiot, s’il y a là private jokes et running gags éculés — c’est aussi souvent drôle, et surtout, cela ne se prend jamais au sérieux. Et même s’il y a eu sélection et réorganisation, l’ensemble garde cette impression de gratuité, et donne à voir les ébats décomplexés de deux graphomanes en liberté — avec la bande dessinée en mode d’expression principal, naturel et immédiat.
Super contenu ! Continuez votre bon travail!