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Comme un gant de velours pris dans la fonte

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Si vous n’avez jamais lu de bande dessinée underground, préparez-vous à un sacré choc. Un peu comme si, abreuvé de séries américaines dominicales (et ne connaissant rien d’autre en matière de cinéma), vous tombiez soudainement sur un film de David Lynch (Eraserhead, par exemple …).

Il est donc difficile de parler d’un livre dont on comprend à peine l’histoire, mais qui vous captive et vous tient jusqu’à la dernière page. Et cette dernière page tournée, on a la sensation d’avoir lu quelque chose de très fort, sans pour autant savoir définir pourquoi.
La puissance évocatrice de Dan Clowes se rapproche beaucoup de celle de David Lynch : ce récit se déroule dans un monde apparemment éloigné du nôtre, un monde où les petites filles fument la pipe, où l’on peut nourrir un chien d’une simple seringue d’eau et où un médium tient ses audiences dans les toilettes d’un cinéma porno.
Mais ce monde étrange, comme l’univers de David Lynch, a tendance à télescoper le nôtre, à devenir beaucoup moins lointain, à acquérir une dangereuse réalité. Et c’est là que le malaise s’installe, dans cette soudaine réalisation que peut-être, sous la surface des êtres et des choses, il y aurait un autre univers, effrayant et malsain … Ce sentiment inconfortable est amplifié par le dessin de Dan Clowes, ce dessin travaillé mais statique, qui vient en écho des conversations décousues et souvent surréalistes qui émaillent ce récit.

 

On pourrait croire que ce livre est un voyage dans la psyché pervertie d’un auteur torturé. Mais submergé par l’abondance des situations étranges, des signes sur lesquels on n’arrive pas à mettre de sens, c’est plutôt face à ses propres questions, ses propres inquiétudes que l’on se retrouve. Et c’est sans doute cela qui fait de la lecture de ce récit une expérience unique.
En conclusion, une oeuvre troublante, perturbante … mais importante.

Site officiel de Cornélius
Chroniqué par en mai 1998