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Grand Vampire (t2) Mortelles en tête

de

Ami lecteur assoiffé aux dents longues et lectrice mon amour au cou si pâle qu’il se prête pour le moins aux suçons, dans cet album c’est du vrai, du « broucolaque », de « l’empouse », du « strige » (sans y) et le tout à de la « goule » !

Grand vampire n’est plus petit mais pas si grand pour autant car encore fragile, à peine plus qu’adolescent finalement. Il voyage pour former sa très, très longue jeunesse inhumaine, cherchant à voir ce qu’il ne peut voir (Liou son ex-amour Mandragore, un coucher de soleil, et sa propre image peut être).
C’est toujours la même quête qui soutient les errances d’adolescences, nocturnes le plus souvent, où l’on s’habille, s’entoure de totems à défaut de se trouver une identité. Dans la confusion des désirs et des désirs de désirs (irrésolvables), les totems fondent, se dissolvent ou bien s’incarnent et l’identité apparaît au-delà du miroir et du regard des quelques autres.
L’album « Grand Vampire » tient de ceci et incarne cela, dans un monde surnaturel où les vies sont longues et les pouvoirs sont grands, mais où les désirs et les désirs de désirs sont les nôtres, les mêmes.
Comme ici, l’adolescence s’y prolonge, mais toujours surnaturellement, en un miroir qui, plus subtile, ne fait pas qu’inverser les choses et les gens.

Sfar en profite pour structurer avec raison (logos) son univers. Grand vampire, Petit vampire, Monde du golem, Professeur Bell, etc. ne font désormais plus qu’un.
Ils ont un temps et une géographie. Temps et espace, deux paires d’ailes pour voler dans la vie réelle ou surréelle, que l’on découvre, comme ici, à l’adolescence. Le jeune corps sorti de sa chrysalide, devient l’échelle et la mesure du monde pour l’esprit (ou âme) qui s’y découvre et s’y ressent. Ce structurer dans un temps, un espace, qui n’est plus celui d’un appartement (cellule familiale agrandie par un miroir), mais à la taille de l’Histoire et de l’Univers.
D’où un album qui commence dans un musée (de vestiges d’Histoire), en compagnie d’une voyageuse japonaise (autre bout de la géographie). Le temps (historique) est masculin, la géographie est féminin, voilà comment on peut commencer une histoire d’amour.

Bien sûr, on se découvre et on se cache. On en joue c’est dramatique, on en « drame » c’est ludique.
Mais après les sentiments du temps et de l’espace, s’affirme celui d’un amour hors du temps et hors de l’espace. Grand Vampire, sans réfléchir (miroir de l’âme) de par sa condition, se met « mortelles en tête », ce demandant qui est l’une qui est l’autre, qui sera une qui sera autre. Soucis, inquiétudes, obsessions, angoisses, peurs, c’est la vie qui veut ça. Tout le monde n’a pas la chance « d’être bête comme un golem » !
Mais nom, je rigole ! Bien sûr que ce n’est pas une chance ! Remerciez qui vous voulez de ne pas être un Golem ! Un seul mot dans la tête ne peut rendre réellement vivant… Et puis tant pis si vous avez eu peur. Une histoire de vampire c’est aussi fait pour ça. Pas vrai ?

Site officiel de Joann Sfar
Site officiel de Delcourt (Machination)
Chroniqué par en février 2003