Groom n°1
Un groom n’est pas qu’un jeune employé d’hôtel, chasseur ou commissionnaire, que l’on sonne pour porter des bagages de touristes aisées ; c’est aussi un appareil très commun pour fermer des portes en évitant claquements et courants d’air.
Symboliquement, des portes, le magazine qui fait son titre de cet anglicisme en clôt au moins deux. La première, la plus évidente, est celle se refermant sur une année particulièrement sombre. L’intention affichée étant de revenir et d’expliquer aux plus jeunes les événements qui ont marqué 2015. Cela se fait de manière somme toute très classique, dans une tradition franco-belge et une vision pédagogique de la neuvième chose dont L’oncle Paul fut, par exemple, une des figures de proue.
La deuxième porte fermée par ce Groom serait de l’ordre de l’acculturation ou d’une fin de cycle, qui entretiendrait justement cette tradition et cette vision. Les avancées des vingt dernières années en matière de bandes dessinées de reportage, par exemple, ne sont ici, au mieux, qu’un réservoir formel permettant d’actualiser cette perception traditionnelle. Les auteurs/autrices au dessin sont majoritairement dans l’illustration au sens large, avec essentiellement pour chaque argument écrit et expertisé, une image contrepoint privilégiant l’humour, voire l’émotion.
Bien sûr, ce magazine n’est pas le seul à fermer cette porte de cette manière, tout en prétendant justement l’ouvrir. Disons que cela s’entend mieux ici, dans le choix peu imaginatif (et au jeu de mot prévisible) d’un titre reflétant finalement des conventions commerciales contemporaines bien intégrées[1], qu’accentue un sous-titre affiché (« Spirou vous ouvre les portes de l’actu ») enfonçant davantage dans le contresens.
Spirou est un groom, oui, mais il n’est pas portier. Il ne ferme pas non plus les portes doucement comme son homonyme mécanique. Valet d’hôtel étoilé voire de palace, sa fonction est plutôt celle de porteur de bagages, de missives ou des courses faites par les voyageurs argentés louant chambres ou suites. Emploi rendant à la fois présent et invisible, dans un lieu pouvant être des coulisses diplomatiques par les puissants qui s’y croisent et les informations de première main qui en conséquence s’y échangent, la licence des éditions Dupuis qui en arbore l’uniforme peut bien évidement, de ce point de vue, devenir un passeur d’actualité. Reste à concevoir quelque chose qui ne soit pas simplement des mises en images vulgarisant des dépêches certifiées ou des propos d’experts labélisés, mais qui impliquerait bien davantage ce pourquoi enfants ou adultes (ces derniers certainement les plus nombreux) achètent un magazine comme celui-ci : les personnages, les auteurs mais aussi la bande dessinée elle-même.
Attendre et voir donc. Ce numéro 1 a tous les travers des numéros bilan d’une année qui restera marquante par ces multiples abominations. En tout logique, il produit une couverture qui ne vaut guère mieux, qu’accentue peut-être aussi une forme d’urgence entre l’idée du projet, sa relative nouveauté chez l’éditeur et l’échéance de sa réalisation imposée par sa thématique. La bonne nouvelle est de savoir qu’avec ce nouveau magazine, il y aurait là l’opportunité d’une rédaction (dont certaines ont été si fécondes dans l’histoire de la bande dessinée), avec ce que cela peut impliquer d’échanges et de rencontres.
Si des portes s’ouvrent vraiment, espérons que cela soit celles des cloisonnements éditoriaux, ou bien celles des ateliers d’auteurs, permettant à ces derniers ou à leurs personnages d’aller au-delà de leurs propres murs, avec l’idée que la neuvième chose soit plus qu’une simple facilité visuelle bonne à dédramatiser ou émotionner les jeunes esprits ou ceux se croyant restés tels. Et qui sait ? « Actu » pourrait aussi se révéler être le diminutif d’actuel…
Super contenu ! Continuez votre bon travail!