Nobrow 9

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Nobrow, on le sait, ne veut distinguer ni le haut, ni le bas dans la classification des arts (voir la chronique sur Nobrow 8). Logiquement, une Vénus Beaux-arts côtoie un nain de jardin en couverture. Large vue, réversibilité, cette appréhension se retrouve dans la conception même de la revue, objet à deux couvertures tête-bêche, pour distinguer la partie illustration de la partie bande dessinée, mais aussi montrer une porosité entre les deux et leur appréciation égale.

Pour son neuvième numéro pas d’allusion au «ninth art», mais une volonté de silence et de quiétude pour thématique, à travers un titre en exergue, «It’s oh so quiet», celui d’une célèbre chanson des années 50 chantée par Betty Hutton et reprise en 1995, avec encore plus de succès, par Björk.
Du calme avant la tempête amoureuse ou hormonale dont s’amuse la chanson, les auteur(e)s (15 pour la bande dessinée, 31 pour l’illustration) privilégient le mutisme par la bande voire en bande, et les thématiques qui s’y accolent. Ce sera la nuit souvent (en lien avec la nature, avec l’idée naïve que la civilisation briserait son silence), l’au-delà du langage par manque ou excès (bruit), l’intime,  l’introspection, l’action/mouvement retranscrite et, comme il y a l’idée d’une chanson pour point départ, la référence à la musique ou au rythme.

Avec cette interprétation classique voire convenue du mutisme en bande dessinée, Nobrow trouve peut-être là sa limite actuelle. Ce silence cache difficilement une absence de discours et essaie de suivre un peu trop facilement la voie étayée par l’auteur à succès de l’éditeur : Jon McNaught.
Cet opus apparaît sans surprise, stratégique d’une certaine manière, avec une quête à tout prix de jeunes talents dont la virtuosité technique, très scolaire parfois, échoue majoritairement à faire sens pour ne pas dire langage. Les mauvaises langues diront qu’il s’agit peut-être là du génie de ce numéro aux allures de catalogue ou de book, d’un choix extrêmement judicieux de thématique faisant sien le fait de n’avoir rien à dire, d’une pensée étale entretenant le convenu, le clin d’œil et la visite touristique de chemins de création balisés depuis déjà longtemps.
Avec ce numéro, la posture de Nobrow semblerait se déplacer involontairement d’une volonté de transcender les catégories, à celle d’une absence ou d’une incapacité à faire des choix, à distinguer un haut, d’un bas.

Site officiel de Nobrow
Chroniqué par en octobre 2014