Extrait de "Monsieur Jean (t4) Vivons heureux sans en avoir l’air"
Monsieur Jean (t4) Vivons heureux sans en avoir l’air
L’album de Dupuy et Berberian partage l’équipe de du9. Vous pouvez lire ci-dessous, les impressions de Jessie Bi et d’Yvan.
« Vivons heureux sans en avoir l’air », car « la vie est belle malgré tout » ?
Coïncidences.
Monsieur Jean est au départ un « héros » crée par Dupuy et Berberian, qui venaient alors d’avoir 30 ans. L’interrogation (ou le constat ?) de base était : comment peut-on être un « inrockuptible », faire de la bande dessinée, avoir 30 ans, être casé et même avoir des enfants ! ?
Alors interrogation du passé et du présent pour comprendre ; généalogie et découvertes des mythologies et habitudes d’une génération.
Malheureusement aujourd’hui, Monsieur Jean souffre de deux problèmes :
Le premier est inhérent à la bande dessinée. Monsieur Jean est devenu une série (4 volumes), standardisée en format et en pages. A cela s’ajoute la question : est-ce que comme Tintin figé en pleine adolescence, Monsieur Jean va tout le temps avoir trente ans ?
Chronologiquement la série de Dupuy et Berberian s’épuise à nier le temps, tout en prétendant être dans le présent (celui de la sortie de l’album en plus). Elle y perd toute son acuité de ton car elle ne peut pas être atemporelle (Monsieur Jean) et temporelle (le décor, la ville) ; avoir 30 ans n’est qu’un un moment du calendrier, 12 mois pas plus. Monsieur Jean a 30 ans depuis 91 !
Le deuxième problème est la sortie du Journal d’un Album en 94. Ouvertement autobiographique, libre de tout format et de pages, ce livre est devenu un astre trop brillant empêchant de voir les étoiles (en 4 tomes) derrière et devant lui. Il dévoilait les clefs, les sources. Après ça, les albums de Monsieur Jean ne sont et ne seront plus que des effets de styles. Un langage compris et assimilé. Affadissement des couleurs (des émotions).
Ce qui fait que ce dernier album n’est au mieux qu’un bon fleuf, une comédie bien vue et bien en vue.
Les rares moments de franche inspiration viennent des dialogues entre Eugène et Monsieur Jean. Là, on sent le vécu comme on dit. Les rôles de père sont assumés, et avec jubilation en plus.
Les regrets sont d’autant plus fort que le Monsieur Jean Comics fourni avec l’album, montre toute la richesse du style (en noir et blanc) de Dupuy et Berberian quand ils sont des Monsieur Philippe et des Monsieur Charles (dans le désordre).
La juxtaposition dans ce même comics de travaux publicitaires pour Canal Plus, qui reprennent d’ailleurs certains personnages de la série Monsieur Jean, font se demander si le problème ne vient pas en partie de là, ainsi que de ce style ligne claire, de cette stylisation de style tant appréciée et exploitée par les publicitaires affadisseurs.
Je ne veux pas dire par là que Dupuy et Berberian devraient passer du style ligne claire au style ligne sombre (leur attirance pour les « Montparnos » me semble de ce point de vue une erreur, ils se trompent de médium, et (mais dans une moindre mesure) d’époque, (car leurs influences sont plus les 50’s, et ses petits maîtres comme Dufy). La démarche de Seth dans sa compréhension du style est à cet égard plus lucide, plus graphique, moins en recherche d’aura culturelle).
Dupuy et Berberian devraient surtout faire moins de pub (qui les mine, même si je sais, il faut bien vivre), et passer à la hachure, et pas forcément du dessin.
Ce n’est pas un conseil, juste une sensation d’après lecture, un désir (mal formulé) de lecteur, anciennement émerveillé.
Le titre invite innocemment ( ?) à faire semblant et à en avoir l’air. Je préfère le « malgré tout » au simulacre (post moderne). Dans cet album Dupuy et Berberian n’arrivent pas à passer au-delà des apparences (celle du style).
Prisonniers d’image(s).
[Jessie Bi|signature]
N’écoutez pas les mauvaises langues qui disent que ce Monsieur Jean est décevant, il est en fait aussi réussi que les précédents. Il faut dire que Dupuy et Berberian maîtrisent parfaitement leur sujet et que la coloriste s’est carrément surpassée.
Ses ennemis sont toujours les mêmes : les enfants et les copains squatteurs ! Le drame de sa vie est toujours le même : comment faire pour vivre avec ces animaux étranges et fascinants à la fois que sont les femmes ? Les situations sont toujours aussi cocasses (comment se disputer avec la mariée quand on est invité à un mariage !) et les motivations réelles des personnages sont toujours ambigues car tout le monde hésite et se cherche …
Sur un plan plus technique, on peut quand même noter une rupture dans la narration : nous avons toujours le point de vue subjectif de Monsieur Jean sauf dans une case où l’on voit le marié craindre d’être trompé …c’est assez étrange comme impression !
Le seul bémol que j’apporterai à cette BD très réussie est l’utilisation (d’habitude bien maîtrisée) parfois abusive des flash-backs et des « contes-rêveries » où sont plongés les personnages.
Cette fois-ci le fil rouge que constitue l’histoire de la femme poisson est doté d’une morale affligeante de simplicité (même si sa véracité n’est pas pour autant à remettre en cause !). Heureusement l’évocation du peintre dans le Montparnasse des années 20 est bien plus riche.
[Yvan|signature]
Super contenu ! Continuez votre bon travail!