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L’ Association au Mexique

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Quatre auteurs partent au Mexique et en rapportent leurs souvenirs sous forme de carnets de voyage dessinés : tel est le concept de cet album, qui fait logiquement suite à L’Association en Egypte (avec Menu, David B, Baudoin et Golo). Le résultat est pitoyable, et on a du mal à comprendre comment L’Assoce a pu laisser publier ça.

Le premier récit, celui de Goblet, vaut son pesant de cacahuètes de crétinerie touristique bien pensante. Les dernières cases en sont un superbe résumé : « Des émotions très intenses, nous avons été frappés par les gens, leur hospitalité. Et puis des chocs, la beauté des paysages. Mais quand même beaucoup d’agitation, ce n’était pas franchement reposant. En plus j’avais tout le temps une impression d’insécurité. » On se croirait à une soirée diapo : était-ce la peine d’en faire un livre ?
Vanoli s’en tire à peine mieux, mélangeant des considérations confuses sur la situation politique au Chiapas (habile mélange de lectures du Diplo, de 2 semaines de voyage d’un touriste forcément beaucoup plus lucide que les autres, hein, et de thèse de géopolitique mexicaine, à moins que cela ne relève finalement que de la conversation de bistrot) et des phrases très très fortes comme : « Son regard est franc et amical, gratuit (…) Je pense à la dignité des pauvres. » Le Nobel de la niaiserie n’est pas loin.
Caroline Sury, ensuite, fait sûrement un truc très intéressant, à part que c’est juste illisible et que ça ressemble à de la performance graphique, pas à de la bande dessinée. Il faudra s’y reprendre à deux fois pour parvenir à le lire.
Ott, enfin, est celui qui s’en tire le mieux en choisissant de reprendre, en de grandes cases noires et hachurées, l’iconographie naïve et populaire mexicaine : catch, religion et révolution. C’est très beau, mais là encore, est-ce de la bande dessinée ? Où est le récit ?

Bref, L’Association au Mexique est encore plus daubesque que L’Association en Egypte. En même temps, c’est très éclairant sur la façon de penser le carnet de voyage, le voyage lui-même, pour des auteurs européens.
Du point de vue de la forme, Wazem (dans son Sarajevo chez Bile Noire) me semblait plus convaincant. Du point de vue du fond, Guy Delisle avec son Shenzen était le plus juste.
Du coup, on se demande si les auteurs de L’Association en … se sont interrogés sur le sens d’un récit de voyage. Doit-on se contenter d’impressions touristiques à la Guide du routard politiquement correctes (Vanoli, Menu, Wazem, Goblet) ; doit-on oublier l’objet du voyage au profit du sujet, et ne s’étendre que sur ses propres états d’âme (à la David B ou à la Baudoin dans L’Assoce en Egypte), mais alors était-ce vraiment nécessaire d’aller si loin pour parler de soi ?
Ne doit-on pas se montrer plus humble et mesuré, ouvert et particulièrement prudent dans son appréhension du pays qu’on visite ? Il n’y a plus qu’à espérer que ne sorte jamais L’Association à la Réunion.

Site officiel de L'Association
Chroniqué par en décembre 2000