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Bang ! – Hugo Pratt L’aventure continue

de

Pschhhiiiittt….Ami lecteur, lectrice mon amour, tu me pardonneras aisément cette chronique qui n’en est pas une : c’est juste quelques mots pour vider ma poche à bile. Better out than in, comme on dit.

Je prends beaucoup le train. C’est un drame : ça me conduit à dépenser de l’argent pour acheter dans les relais H des revues dont je n’ai pas besoin, pas envie et pas l’usage. Exemple (assez) récent : devant me rendre de Paris à Lyon, je dépense un salaire mensuel de fraiseur ouzbek pour m’offrir la dernière livraison de Bang !, l’inénarrable support de com coédité par Casterman et les Inrocks.
Outre le luxueux dessin sépia de la couv, qui m’apprend que j’ai affaire à un «spécial Hugo Pratt» (note, ç’aurait été un «spécial Uderzo», j’aurais peut-être plutôt acheté Science & Vie junior, et ça m’aurait pas rendu plus con), la revue est sous blister, parce qu’elle est accompagnée d’un retirage de Kidnappé, de Pratt, qui semble arborer, sous le papier cristal du blister, une belle couverture sobre.
Le fétichiste qui dort (assez profondément) en moi a dû être sensible à l’argument répugnant (je vais l’acheter, parce que ça me donne l’impression que j’y gagne un album de bédé gratos, bien joué Loleck !).

Eh ben il est bien puni, le fétichiste, et il se rendort vite fait. Je parle à peine de la revue elle-même : c’est l’habituel tissage d’informations résumées (synthèse biographique, resucée d’un entretien des Inrocks d’il y a quinze ans, bribes d’analyses de Pierre Sterckx cantonnées à dix lignes maxi, sans parler de l’inévitable galerie de personnages, et de la tout aussi inévitable galerie d’hommages, Tardi, Munoz, Ravalec, etc.).
Ca commence par une double page de pub pour les DVD du dessin animé Corto, ça finit par dix pages d’infomercial sur le catalogue Hugo Pratt chez Casterman (et quelques autres, soyons juste). Bref, c’est un support de communication à l’occasion de la sortie de Périples imaginaires, chez Casterman, au même moment (c’est de là que sont tirées presque toutes les illustrations hors-texte).
Mon avis profond, c’est que ça n’est pas la peine d’abattre des arbres pour imprimer ça.

Mais le pompon, la cerise sur l’horrible chou à la crème, c’est le bonus. Kidnappé est adapté de Stevenson. Qui aime les histoires aime Kidnappé : un des meilleurs romanciers en matière d’héroïsme épique moderne, adapté par un des meilleurs dessinateurs en matière d’héroïsme épique moderne. Heureusement, ce n’est pas vraiment un livre : c’est le porte-clef qui doit appâter l’imbécile (ici, votre serviteur), et le convaincre de gaspiller ses deniers.
Kidnappé est massacré : imprimé sur du kleenex recyclé soixante-treize fois, avec une encre grisâtre et moche, tout en trame apparente et en jolie pixellisation, avec un lettrage mécanique absolument pourri et généralement mal calé dans les phylactères. Je n’ai pas pu le lire au-delà de dix pages. Pan sur les doigts.
Voilà qui m’apprendra à baisser la garde devant des confiseries de supermarché qu’on tente de faire passer pour du travail éditorial. Je vais vite me faire faire une piqûre de Menu, ça devrait m’immuniser.

Site officiel de Casterman
Chroniqué par en avril 2006