Clafoutis 1 & 2
Clafoutis est (faut-il déjà dire était ?) une belle revue classieuse, A4 glacé à rabats, bichro caramel, presque 80 pages, publiée par les Editions de la Cerise. Une de plus, dira-t-on. Ah, ça… On en a vu passer, du fanzine. Du mal photocopié, du génial mais flemmard, du flemmard tout court, du ouais-pas-mal-mais-pas-abouti, du crade, du trop beau pour être honnête, du passager… Pis des revues, des journaux, des séries, des grandes entreprises, des paquebots magnifiques qui se sabordent au bout d’un an, essouflés de leur propre grandeur.
Clafoutis, dans un premier temps, rompait la monotonie. Beau comme R de Réel, futé pareil, bien fait, matériellement agréable, intelligemment polygraphe, des collaborations à tous les étages (entre les piliers de la maison : Guillaume Trouillard, homme de peine d’après l’Ours, Grégory Elbaz, Thomas Gosselin — dont on a pu apprécier L’Humanité moins un, publié l’an passé chez l’An 01 — mais avec aussi des extras — rien moins que Carlos Nine dans le second numéro — et puis des tas d’autres, je ne vais pas recopier le sommaire, ni décrire intégralement l’objet, je veux juste que vous saliviez un peu).
La lecture de Clafoutis est donc une avalanche de bonnes surprises. La bande dessinée y est explorée, sans affectation, sans boboïsme, sans formalisme gratuit, dans toutes ses possibilités expressives. On rencontre ainsi, à côté de planches classiquement formattées, des petits textes joliments tournés pour lesquels l’illustration sert à la fois de contrepoint et de principe de mise en page, des illustrations pleine page qui laissent à peine la place à une légende, des tentatives formelles intéressantes et touchantes (au lieu de ces exercices un peu froid qui, dans bien des revues «expérimentales», donnent l’impression d’une démonstration de virtuosité dans laquelle on aurait juste oublié qu’il fallait aussi parler de quelque chose…).
Clafoutis donne dans l’ensemble une impression de grande liberté de forme, de maîtrise du medium, mais systématiquement mis au service de la volonté de raconter des histoires. C’est l’imagination qui gouverne tous les récits et tous les dessins, c’est l’imagination qui manifeste à chaque page la soif de raconter qui anime les auteurs, et c’est l’imagination, la nôtre, qui est sollicitée en permanence par ce bel ovni en deux volumes.
Tout pour plaire, donc, et ça m’a plu, beaucoup, au point de regretter que, provisoirement j’espère, pour longtemps peut-être, Clafoutis disparaisse du paysage faute de sous et de temps. Ah. Mais c’est que je veux lire la suite de «L’île de Lobatchevsky» (Trouillard & Gosselin, belle couleur, scénario malin, dialogues travaillés, à recommander d’urgence à tous ceux qui s’intéressent pêle-mêle à la piraterie, à l’autogestion, aux récits de mer et aux mathématiques), c’est que je veux d’autres planches de Gosselin (lequel rappelle fortement le Vanoli des débuts), ou de Trouillard («A la recherche», histoire en trois mouvements, dans le numéro 1, est un petit bijou oubapien — bel exemple de substitution de phylactères dans une planche graphiquement répétée à l’identique).
Bon, peut-être Clafoutis existe-t-il encore chez ton libraire, ami lecteur, ou bien te faudra-t-il l’aller quérir sur le site des éditions de la Cerise, lectrice mon amour. En tous cas, fonce, il n’y en aura peut-être plus d’autres, et ces deux gâteaux-là valent largement les tas d’indigestes biscuits qui encombrent les gondoles.
Super contenu ! Continuez votre bon travail!