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La Maison Qui Pue

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La Maison qui pue est un nouveau on-ne-sait-pas-combien-daire (ce qui signifie qu’il va paraître tous les on ne sait pas combien), carré, coloré, doté de 96 pages joliment présentées dans une couverture souple mais pas trop. La Maison qui pue vient d’Angoulême, et les remerciements finaux voient Café Creed côtoyer Coconino, ce qui confirme qu’Angoulême peut signifier autre chose pour la bande dessinée que la copulation annuelle d’une machine à dédicacer avec un grande surface promotionnelle.
En effet, La Maison qui pue, c’est vraiment pas mal. Des dessins, des textes, des photos, des collages, un ton décalé, une mise en page calculée, un esprit bo-bo dans un habillage tendance : a priori, tous les ingrédients d’un fanzine plutôt fortuné mais pas vraiment révolutionnaire (dans la veine alternative mais branché, crade mais bien maquetté, ésotérique mais fait au bic, on en a vu d’autres).

Eh bien non. La Maison qui pue réussit autre chose. Inexplicablement, la mayonnaise prend, les pages accrochent l’oeil, (presque) tous les auteurs ont un truc, un ton, une patte, une façon particulière de rentrer dans le vif du sujet sans pincettes et d’y embarquer le lecteur qu’il le veuille ou pas, qui fait qu’on y revient, et qu’on pioche une histoire après l’autre, une planche par-ci, une planche par-là, pour finir par refermer le numéro en s’apercevant qu’on a tout lu.

À quoi ça tient ? Je ne sais pas. C’est peut-être totalement subjectif. Je n’ai que deux embryons d’explication : d’abord, on a du mal à se dire que ça ressemble à qui (ou à quoi) que ce soit d’autre. Beaucoup de pages donnent une impression de pas-déjà-vu, de fraîcheur graphique, de confiance en soi réjouissante.
Ensuite, la plupart des auteurs évitent le pathos habituel de la distance narrative (pas de mise en abîme, pas de réflexions torturées sur pourquoi j’écris et pourquoi je dessine et pourquoi je crée, peu d’autobiographie, peu de gratuité). Chaque histoire est racontée avec une sorte d’immédiateté qui donne envie de la lire parce qu’on a l’impression que les auteurs croient totalement à ce qu’ils racontent, et placent le lecteur au milieu de leur univers sans se soucier de créer d’abord la moindre familiarité.

La Maison qui pue ne cherche pas à séduire ou à convaincre : comme si les auteurs avaient simplement fait ce numéro parce qu’ils en avaient vraiment envie, comme si c’était communicatif, comme si ça marchait.
Vivement le numéro 2, j’ai hâte de voir si j’ai dépensé tout ce lyrisme pour rien.

Site officiel de La Maison Qui Pue
Chroniqué par en avril 2001