Wallstrip

de

Comme l’explique le « mot de la direction » placé en ouverture du recueil, Wallstrip est le résultat d’un atelier-performance créé en 2005. Le recueil lui-même rassemble les strips produits entre 2007 et 2009 lors des sessions de l’atelier à Paris, Angoulême et Mayotte. Le principe est simple : on fournit aux participants un strip non pas tout à fait vierge, mais schématiquement découpé et proposant un premier montage. Trois cases, et des formes vagues et géométrique esquissant la position d’un personnage, un élément de décor, ou une bulle, le tout volontairement neutre et incomplet. A chaque participant revient la tâche de compléter le strip à partir de cette même disposition de départ, en complétant le dessin, en se l’appropriant, et y ajoutant du texte, pour composer un strip complet. A partir de trois « matrices » différentes, Wallstrip propose le recueil des strips composés par les participants : amateurs ou professionnels, débutants ou confirmés, passants rigolards ou adolescents tourmentés, tout le monde peut se frotter à la petite séquence neutre de départ pour essayer d’y loger une histoire.

Evidemment, la tonalité oubapienne du procédé est assumée : il s’agit de proposer une contrainte identique à tous, puis d’observer de quelle manière cette contrainte peut être utilisée, contournée, détournée pour produire une histoire. Mais cette contrainte est très particulière : contrairement à l’exercice du canonique Moins d’un quart de seconde pour vivre réalisé par Menu et Trondheim en 1990, il ne s’agit pas de composer un récit en multipliant toutes les combinaisons possibles de huit cases complètes, mais de loger un récit dans une « forme » déjà largement déterminée. La « topographie » visuelle du strip est donc imposée (nombre de cases, placement et formes grossières des personnages et de certains éléments de décor).
Dès lors, deux attitudes de base sont repérable : la première, majoritaire, consiste à accepter de bonne grâce cette topographie préétablie, pour lui faire raconter une histoire en enrichissant le dessin et en ajoutant le texte. La seconde, minoritaire mais assez répandue tout de même, consiste à tout faire pour subvertir la contrainte en transformant les formes imposées : ainsi la silhouette d’un personnage aux bras levés sera patiemment intégrée dans un portrait en gros plan, ou fondue dans un décor.

L’exercice est amusant, parfois suprenant, occasionnellement assez réussi, mais au total un peu stérile. Le choix de recueillir tous les travaux proposés, quel que soit leur amateurisme, n’est pas le principal problème (bien sûr, on finit par se lasser des strips au dessin approximatif et des approches soi-disant suréalistes qui finissent par se mélanger en une bouillie opaque, mais c’est secondaire).
Le problème principal tient au choix du strip en trois cases. Animer un strip unique, en se privant de la répétitivité et de la familiarité qui l’accompagne habituellement, c’est un véritable tour de force : il faut pouvoir imposer une situation, la nouer et la dénouer, en trois cases seulement. C’est un travail difficile, un travail de rythme et d’écriture, qui ne correspond peut-être pas forcément à la spontanéité et à la rapidité de la performance. Certains des strips du recueil y parviennent, avec plus ou moins de bonheur, mais presque tous restent loin du compte, et on ressort de la lecture des 130 pages de Wallstrip un peu écœuré, avec la très nette impression que, décidément, la bande dessinée, c’est un art, ni plus facile ni plus naturel que la littérature, la sculpture ou le cinéma. C’est un constat qui ne fait pas de mal, mais était-ce bien le but recherché ?

Site officiel de Onapratut
Chroniqué par en juin 2010